Guerre au Soudan : la diplomatie prise au piège

Malgré les efforts de la communauté internationale, les combats s’intensifient, principalement au Darfour et à Khartoum, empêchent l’acheminement de l’aide humanitaire et condamnent des milliers de personnes à chercher refuge dans les pays voisins. En cause, selon Amadou Sadjo Barry : la multiplicité d’acteurs.

Des Soudanais déplacés sont hébergés dans le lycée de Hasahisa. Le 10 juillet 2023. © AFP

 © Amelie Philbert/Universite de Montreal

Publié le 31 août 2023 Lecture : 3 minutes.

Après quatre mois de guerre au Soudan, les efforts diplomatiques conjoints des organismes internationaux (UA, Igad, ONU, UE, Ligue arabe), ainsi que la médiation américano-saoudienne, n’ont pas encore permis d’obtenir un acheminement sécurisé de l’aide humanitaire et, à terme, un cessez-le-feu. Au moment où l’effondrement du Soudan dans la guerre semble total, la redéfinition d’une stratégie de médiation s’impose. Elle devra prendre en compte la réalité des rapports de force sur le terrain, les enjeux liés au contrôle du pouvoir politique, militaire et économique, ainsi que les acteurs externes susceptibles d’influencer les deux belligérants dans le sens d’une cessation des hostilités.

Des intérêts divergents

Depuis le déclenchement de la guerre, le 15 avril 2023, nous avons été témoins d’une mobilisation diplomatique tant au niveau sous-régional (médiation de l’Igad, coordination entre les pays voisins du Soudan), qu’au niveau continental (mécanisme élargi sur la crise au Soudan de l’Union africaine) et international (États-Unis, Arabie saoudite). À cela s’ajoute l’initiative de Lomé, dont l’objectif était de favoriser des échanges entre les différents groupes qui s’affrontent au Darfour pour créer un couloir humanitaire sécurisé.
S’il est vrai que ces initiatives ne sont pas exclusives les unes des autres, elles présentent un triple défaut : elles impliquent une multiplicité d’acteurs aux intérêts divergents au Soudan et dans la sous-région, à commencer par les États-Unis et l’Arabie saoudite ; viennent ensuite l’Égypte, les Émirats arabes unis, le Qatar et l’Éthiopie. De même, en voulant impliquer toute la communauté internationale, on laisse croire à une égalité d’influence et de crédibilité des acteurs et institutions impliqués dans la résolution de la crise.

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Or, malgré le caractère contraignant du principe de subsidiarité, une institution sous-régionale comme l’Igad n’a pas un réel pouvoir d’influence sur Abdel Fattah al-Burhane et Hemetti. En matière de résolution des crises sur le continent, les organisations sous-régionales font face à des problèmes de crédibilité et de légitimité qui limitent considérablement leur marge de manœuvre. Enfin, ces initiatives de médiation au Soudan souffrent, en réalité, d’un manque de leadership. Certes, le mécanisme élargi mis en place par l’Union africaine entend coordonner la réponse de la communauté internationale et renforcer les efforts visant à trouver une solution pacifique à la crise. Mais c’est là une plateforme institutionnelle inclusive qui est très souvent engloutie par la multiplication de médiations, dont les enjeux varient en fonction des pays qui y sont impliqués. La diplomatie est donc prise au piège des intérêts et de luttes d’influence entre des acteurs sous-régionaux et internationaux. Ce qui, à mon sens, explique le peu de progrès réalisés pour mettre fin aux violences et répondre de manière efficace à la crise humanitaire.

Redéfinir le cadre de médiation

La réussite de la médiation au Soudan nécessite avant tout une redéfinition de son cadre, avec pour objectif d’éviter des initiatives parallèles et surtout de nommer un envoyé spécial consensuel et crédible autour duquel vont se concentrer les efforts de la communauté internationale. Pour ce faire, il faut prendre pour point de départ le mécanisme élargi de l’Union africaine, le renforcer en tirant profit des différentes initiatives menées par les Américains et les Saoudiens, le Togo et les ministres des Affaires étrangères des voisins du Soudan. Déjà, une réunion entre les acteurs des différentes initiatives en cours pourrait aider à identifier les obstacles liés à l’obtention d’un cessez-le-feu durable et les compromis possibles pouvant faciliter un accord de paix. Ensuite, il faudra s’appuyer sur des leviers aux niveaux continental et international susceptibles de peser sur les deux belligérants et leurs soutiens.

Et sur ce point, la diplomatie africaine ne devrait pas être prise au piège de l’idée que les problèmes africains doivent être traités par des Africains seulement. La complexité de la guerre et les dynamiques communautaires qu’elle implique, ses implications sous-régionales, les rapports symétriques de pouvoir entre les deux camps qui s’affrontent et leur relation aux réseaux d’enrichissement au niveau international –  au fond la puissance des belligérants – nécessitent la mise à profit, dans l’action diplomatique, d’acteurs capables d’influencer le rapport de pouvoir sur le terrain. Des acteurs influents tant sur le plan économique que politique, mais surtout qui bénéficient d’une position de force au niveau mondial.

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