Pétrole : la Libye mise à sec
Alors que le pétrole représente 90 % de la richesse libyenne, sa production est perturbée par des factions régionalistes. Les majors menacent de partir.
Pétrole et gaz : la ruée vers l’Est
En Libye, même le pétrole ne fait plus consensus. Pendant et après la révolution, l’or noir était l’unique secteur stable d’un pays en proie aux brigades armées, aux islamistes et aux trafics. Si la production avait baissé durant le conflit, dès fin 2011, deux mois après la mort de Kaddafi, plus de 1 million de barils par jour (contre 1,5 million avant février 2011) étaient extraits, et 1,6 million en septembre 2012. Cela fait désormais cinq mois que les revenus pétroliers, environ 90 % de la richesse de l’État, sont mis à mal par une série de blocages des sites d’extraction et des terminaux. La production a chuté à 250 000 barils par jour.
Les autorités estiment les pertes totales du secteur à quelque 9,7 milliards d’euros.
Dans l’Est, les terminaux de Zueitina, Ras Lanouf et Al-Sedra sont sous le contrôle des hommes d’Ibrahim Jedran. L’ancien responsable des Gardes des installations pétrolières (GIP) pour la zone centre (Syrte) est devenu, à la faveur des grèves, le héraut du mouvement fédéraliste de la Cyrénaïque, la région orientale de la Libye. Le 10 novembre, le gouvernement autoproclamé de la région a annoncé la création de sa propre compagnie pétrolière. Début novembre, des Touaregs et des Berbères ont bloqué respectivement le champ pétrolier d’Oubari, dans le sud du pays, où officie le géant espagnol Repsol, et les infrastructures de la compagnie Mellitah Oil de Zouara, à l’ouest de Tripoli. La société est détenue par l’italien Eni, qui est le plus important opérateur pétrolier en Libye. Les activistes menacent de recommencer leur action si le gouvernement ne reconnaît pas leurs droits en tant que minorités ethniques. Au même moment, des enseignants ont paralysé la raffinerie de Zaouïa, à l’Ouest, pour exiger une augmentation de salaire. Les autorités libyennes estiment les pertes totales du secteur à quelque 9,7 milliards d’euros.
Cette situation confuse entame la confiance des entreprises pétrolières étrangères. Ali Zeidan, le Premier ministre, a exprimé sa crainte de voir partir la société Eni, alors que l’Italie importe de Libye près du quart de ses besoins en hydrocarbures. Selon le Wall Street Journal, l’entreprise britannique BP chercherait à se désengager partiellement des deux champs pétroliers qu’elle exploite à Ghadamès, dans l’Ouest. L’information n’a pas été confirmée par la société. Quant à Emma Bonino, la ministre italienne des Affaires étrangères, elle considère « la Libye comme absolument hors de contrôle ».
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Pression
« Nous faisons face à plusieurs défis, mais celui du pétrole n’est pas le plus important », assure Ahmed Abdulsalam, porte-parole du ministre de l’Économie. Son optimisme tient à plusieurs facteurs. Primo, il reviendra toujours moins cher d’importer du pétrole depuis la Libye que depuis les pays du Golfe pour les pays européens. Secundo, la qualité du brut libyen est unique et, si les raffineries européennes importaient du pétrole d’ailleurs, elles devraient payer un coût élevé pour le transformer. Tertio, il est difficile pour un grand groupe de quitter un pays, surtout s’il veut récupérer ses investissements. Quant à la concurrence de la compagnie pétrolière dissidente de la Cyrénaïque, les risques semblent réduits : « Tout le monde connaît la provenance de la marchandise d’un tanker. C’est mettre sa réputation en danger que d’acheter du pétrole à un acteur non officiel », explique un expert. « Les discours des compagnies, c’est avant tout un jeu politique pour mettre la pression », affirme Ahmed Abdulsalam. En effet, gouvernement et entreprises pétrolières doivent renégocier, d’ici à juin 2014, l’accord Epsa (Exploration Production Sharing Agreement). Ce dernier octroie à la compagnie pétrolière nationale (NOC) entre 80 % et 90 % des revenus de la production. Fin octobre, la société Repsol a annoncé la découverte d’un gisement pétrolier dans la région de Mourzouk, dans le sud-ouest du pays. L’espagnol a décidé de poursuivre les campagnes d’exploration jusqu’à la fin de l’année 2015.
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