Élections au Gabon : pourquoi, à Libreville, la confiance ne règne pas

Ces dernières semaines, à mesure que la date des élections présidentielle, législatives et locales se rapproche, une certaine fébrilité semble peu à peu gagner les autorités gabonaises. Plusieurs mesures et décisions suscitent des questions.

Des partisans du président gabonais Ali Bongo Ondimba et du Parti démocratique gabonais au stade Nzeng-Ayong à Libreville, le 10 juillet 2023. © Steeve JORDAN / AFP

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  • Mathieu Olivier

    Rédacteur en chef adjoint pour l’Afrique centrale. Journaliste politique et d’investigation, spécialiste notamment du Cameroun et de la Centrafrique, il s’intéresse aussi à la politique de la Russie en Afrique.

Publié le 23 août 2023 Lecture : 2 minutes.

Alors que les élections générales se tiendront au Gabon le 26 août, il est peu de dire qu’il ne règne pas à Libreville un climat d’une grande sérénité. Ce 22 août, le procureur de Libreville a annoncé l’ouverture d’une enquête sur l’enregistrement d’une conversation entre Albert Ondo Ossa, candidat de la plateforme d’opposition Alternance 2023 pour la présidentielle, et Alexandre Barro Chambrier, un de ses principaux soutiens.

Cet audio, explique le magistrat, « comporte des propos particulièrement graves laissant présager une atteinte à la sûreté de l’État ». L’enquête saura très certainement lever les doutes du procureur. Cependant, à l’écoute de la bande dont Jeune Afrique a eu copie, on ne peut s’empêcher d’émettre des réserves quant à l’opportunité d’une telle procédure. Les deux opposants y discutent du vote fang, de moyens financiers et humains, de soutiens à l’étranger ou encore de répartition des pouvoirs en cas de victoire d’Albert Ondo Ossa.

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Le propos est tantôt maladroit, tantôt cynique, parfois ethnique – qui nierait cette réalité des scrutins gabonais ? –, mais il paraît bien difficile d’y déceler un appel à l’insurrection. À moins, bien sûr, de considérer que compter ses soutiens aux abords d’une élection – ou se préparer à en contester potentiellement les résultats – revient à attenter à la sûreté de l’État. Charge reste au procureur de produire compléments d’information et éléments de preuve.

Élections à huis clos ?

Mais, en attendant, le climat politique gabonais, encore marqué par le précédent scrutin de 2016, est bien délétère et peu propice à des scrutins apaisés. Ce 22 août, alors que l’audio tant commenté circulait sur Internet, plusieurs opposants, dont Alexandre Barro Chambrier et Albert Ondo Ossa ont été empêchés de prendre l’avion qu’ils avaient réservé afin de se rendre en tournée à Tchibanga, Mouila et Lambaréné, faute d’autorisation de vol accordée par les autorités aéroportuaires gabonaises. Ils ont aussitôt dénoncé un « déni de démocratie », tandis que lesdites autorités ne se sont pas exprimées.

Coïncidence ? Au-delà des dénonciations de l’opposition – à qui l’on pourrait prêter l’idée de se victimiser à outrance –, une succession d’évènements a tout de même de quoi interroger : réinstauration du scrutin à un tour, non-sollicitation des habituels observateurs de l’Union européenne pour les futurs scrutins, réforme électorale sur la présence de représentants des partis dans les bureaux de vote, création du bulletin unique pour les élections présidentielle et législatives

Plus récemment encore, plusieurs journalistes étrangers ont également dû se rendre à l’évidence : il ne leur serait pas permis de couvrir les élections, faute de s’être vus délivrer une accréditation en bonne et due forme par les services de l’État. Aucune demande n’a, certes, été refusée. Mais aucune n’a, à notre connaissance, été accordée. Comme d’autres médias internationaux, Jeune Afrique a donc dû se résigner à voir l’accès au pays de son envoyée spéciale refusé. Ce qui ne nous empêchera pas de couvrir les prochains scrutins, que chacun espère – selon l’expression consacrée et malgré les doutes – crédibles, libres et transparents.

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