En Tunisie, faut-il s’inquiéter d’un retour du Covid ?

Les Tunisiens, qui ont payé un lourd tribut à la pandémie, s’inquiètent des informations, venues notamment de France, sur une possible nouvelle vague. Pour l’heure, le nombre de nouveaux cas reste toutefois dérisoire et les stocks de vaccins sont constitués.

À l’hôpital Charles-Nicolle, à Tunis, le 17 juillet 2022. © Yassine Mahjoub/NurPhoto via AFP

Publié le 24 août 2023 Lecture : 4 minutes.

La nouvelle est d’abord venue de France : le Covid, ou plutôt l’un de ses variants, est de retour. Mais la pandémie a eu un tel impact en Tunisie que, deux ans plus tard, l’opinion publique ne veut pas y croire. Reste que les autorités sanitaires, elles, prennent les choses au sérieux.

Directeur général de l’Institut Pasteur à Tunis et membre du comité scientifique de lutte contre le coronavirus qui a encadré la lutte contre la pandémie en 2020-2021, Hechmi Louzir coupe court aux rumeurs : il confirme la présence d’ERis, le nouveau variant « EG.5 » classé sous surveillance par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Seul un séquençage, actuellement en cours, précisera si cette souche dérive de XBB, un sous-variant d’Omicron.

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En attendant ces précisions, la recrudescence de toux, d’éternuements, de troubles intestinaux et d’accès de fièvre inquiète une population qui a payé un lourd écot à la pandémie avec, selon le ministère de la Santé, 1 153 361 cas de contamination et 29 423 décès entre 2020 et 2022.

Pour l’heure, on est loin de ces chiffres, ce qui permet de relativiser l’arrivée d’une possible « nouvelle vague ». « Nous avons un peu plus de 20 hospitalisations, dont 5 en réanimation et le reste sous oxygène », détaille un responsable de l’hôpital de la Rabta, à Tunis.

La prise de parole de Hechmi Louzir ne doit donc pas être interprétée comme le signe de l’arrivée imminente d’une vague de Covid. Mais elle tombe à point pour rappeler l’importance de la prévention, qui avait été vulgarisée trop tard lors de la précédente pandémie. Les Tunisiens connaissent bien aujourd’hui les gestes barrières, dont le port du masque, le lavage des mains et la distanciation, mesures minimales pour protéger de la contamination une population vulnérable, souvent atteinte de maladies chroniques ou fragiles du fait de l’âge.

Fort impact politique et économique

L’effet psychologique et économique de la pandémie a été tel que personne ne se sent vraiment prêt à en affronter une autre. « J’ai perdu des proches, j’ai subi un isolement terrible et je n’ai retrouvé du travail que difficilement », égrène un guide touristique.

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Le pays, qui traversait déjà une mauvaise passe économique et financière, s’était pratiquement mis à l’arrêt pendant de longs mois, entraînant la perte de 430 000 emplois, une recrudescence du phénomène de la migration irrégulière et un impact sur les finances publiques estimé à 5 milliards de dinars (1,5 milliard d’euros), selon Nizar Yaïche, ministre des Finances en 2020.

Aujourd’hui, l’opinion se demande, avec une pointe d’angoisse, si la Tunisie est prête à faire face à une autre vague de Covid. Une source au ministère de la Santé tient à préciser que « la convivialité, qui prévaut l’été, où les déplacements et les rassemblements sont plus fréquents, est un contexte favorable à la contamination. Mais il faut distinguer entre le Covid, les symptômes d’un état grippal et les hospitalisations ».

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Le virus n’est plus aussi virulent

Un urgentiste qui avait été en première ligne à l’hôpital Memmi de l’Ariana, à Tunis, se veut rassurant : « Le virus perd de la force. Sous l’effet des mutations, il n’est plus aussi virulent que la souche initiale de 2019, et les chiffres actuels ne sont pas significatifs. Surtout, nous ne sommes pas dans la conjoncture de 2021, avec les problèmes de disponibilité de lits d’hôpitaux et d’oxygène. »

Le médecin reconnaît qu’il n’y a pas eu de miracle : les infrastructures de santé publique restent toujours fragiles et subissent, comme d’autres secteurs, le contrecoup du déficit des finances publiques, qui ne permettent pas de recrutements pour compenser les départs à la retraite.

« Le facteur humain est essentiel mais il ne faut pas oublier la vaccination », souligne un ancien membre du comité scientifique qui rappelle que, même si les gens ne se vaccinent plus, 200 centres de vaccination sont toujours opérationnels sur l’ensemble du territoire, que, par précaution, un pass vaccinal est toujours généré et, surtout, que le pays dispose d’un stock stratégique de vaccins bivalents Pfizer pour une phase de riposte en cas de reprise de la pandémie.

Comme dans beaucoup de pays, les détracteurs de la vaccination sont légion en Tunisie. Pourtant, le corps médical estime que c’est bien la vaccination qui a endigué l’épidémie. Quant aux effets secondaires supposés, il faut qu’ils soient confirmés par des études, sachant que même « le plus banal des médicaments a des effets secondaires et que face au même virus, une population vaccinée, comme cela été le cas en France, a présenté un taux de mortalité moins important qu’en Tunisie », argumente un pharmacien.

Les professionnels s’accordent donc à estimer que l’heure est à la vigilance. Mais aucune campagne de communication ou de prévention n’a pour l’instant été lancée pour, par exemple, rappeler les gestes barrières et les précautions à prendre avec les personnes à risques et les seniors.

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