En Algérie, le sauvetage très politique du MC Oran

Mal en point financièrement et en souffrance sportivement, le Mouloudia Club d’Oran est devenu la propriété d’Hyproc Shipping Company, une filiale de la Sonatrach. Un rachat largement favorisé par des interventions politiques.

Supporters du Mouloudia Club d’Oran en juillet 2023. © Facebook Mouloudia Club Oran

Alexis Billebault

Publié le 25 août 2023 Lecture : 4 minutes.

« En Algérie, la vente du MC Oran était presque devenue un marronnier. Régulièrement, il était question que ce club change de propriétaire. Le problème, c’est que sa situation financière était tellement mauvaise que cela finissait par dissuader les potentiels acquéreurs. » Sous couvert d’anonymat, ce proche du MCO, un club très populaire en Algérie, vient de résumer en quelques mots son histoire récente, alors que son rachat par Hyproc Shipping Company, une filiale de la Sonatrach spécialisée dans le transport maritime des hydrocarbures et des produits chimiques, est officiel depuis le 18 août.

Le MCO est le 8e club de Ligue 1 à être contrôlé par une société d’État, après le MC Alger (Sonatrach), la JS Saoura (ENAFOR), le CS Constantine (ENTP), le CR Bélouizdad (MADAR), la JS Kabylie (Mobilis) et l’ES Sétif (SONELGAZ). Même s’il a perdu de sa superbe depuis le début du XXIe siècle, il jouit d’un grand prestige dans le pays, et pas seulement parce qu’Oran est la deuxième ville d’Algérie. Dans les années 1970, 1980 et 1990, le MCO a remporté quatre titres de champion (1971, 1988, 1992 et 1993), autant de coupes d’Algérie (1975, 1984, 1995 et 1996), une Coupe de la Ligue (1996), la Coupe Arabe des vainqueurs de coupe (1997 et 1998) et la Supercoupe Arabe (1999).

la suite après cette publicité

Douze titres qui ont fait du MCO une référence dans le monde arabe et la fierté de ses supporters, parmi les plus passionnés d’Algérie. Mais depuis plus de 10 ans, le club a surtout fait parler de lui pour ses problèmes économiques En 2011, le Qatar Sports Investments (QSI), le fonds souverain qatarien, propriétaire du Paris-SG, avait envisagé une acquisition avant d’y renoncer en raison de la situation financière du club. Elle avait également dissuadé Hyproc Shipping Company déjà d’en prendre le contrôle, en 2012 et 2018.

L’État à la manœuvre

Mais les choses ont changé cette année avec l’intervention du président de la République Abdelmadjid Tebboune, du Premier ministre Aïmene Benbaderrahmane et du ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Akrab. « La situation était à ce point désastreuse que l’injonction est venue d’en haut », confirme une autre source. Depuis le mois de janvier, le wali d’Oran Saïd Sayoud avait décidé que la wilaya devait aider le MCO en prenant en charge les salaires des joueurs. Le 7 mars dernier, lors du 7e symposium de l’Association algérienne de l’industrie du gaz organisé à Oran – siège d’Hyproc Shipping Company – , la situation du club avait été évoquée entre Toufik Hakkar, le PDG de Sonatrach, un haut responsable d’Hyproc mandaté par son PDG Hocine Boudia, et Saïd Sayoud.

« C’est à partir de ce moment que les choses se sont vraiment accélérées. Toutes ces personnes savaient très bien que vu le niveau d’endettement du club [on parle de près de 8,5 millions d’euros, dont une partie concerne des arriérés de salaires de plusieurs années], la seule issue passait par son rachat par une société d’État, aux reins très solides. »

Pendant près de treize ans, le club oranais a vu passer de nombreux présidents, dont certains comme Tayeb Mehiaoui et Youcef Djebbari encore en poste il y a quelques semaines, ont occupé plusieurs fois la fonction. Lors de la période de transition, le club a été géré par deux administrateurs judiciaires, Salah-Eddine Benaouda et El Habib Daho, le processus de rachat ayant pris un peu plus de temps que prévu.

la suite après cette publicité

Hyproc Shipping Company a d’abord racheté les parts de la Société Sportive par Actions (SSPA), en charge de l’équipe professionnelle, puis celles de la section amateur CSA/MCO. Selon nos informations, le nouvel actionnaire majoritaire détient 90 % du capital et le CSA/MCO 10 %.

Un wali très impliqué

La lenteur des opérations a fait souffler sur Oran un certain vent de scepticisme, en raison du contexte particulier du club, comme l’explique une autre source bien informée. « Il s’est passé tellement de choses ces dernières années, avec ce rachat par Hyproc plusieurs fois considéré comme acquis et qui finalement avait échoué, que les supporters se demandaient, encore une fois, si tout n’allait pas capoter au dernier moment. » Le 13 août dernier, le ministre de l’Énergie et des Mines avait même rencontré quatre députés de la circonscription afin de les rassurer sur l’issue du dossier.

la suite après cette publicité

À l’heure où nous écrivons ces lignes, les affaires courantes étaient toujours gérées par Salah-Eddine Benaouda, dont le mandat doit s’achever le 4 septembre. Ce dernier a même tenté de nommer le Tunisien Moez Bouakkaz au poste d’entraîneur, soulevant les protestations des bouillants supporters oranais. Hyproc, qui va installer très rapidement ses hommes à la direction du club, va devoir également se pencher sur l’aspect sportif, en désignant un staff technique, en recrutant des joueurs et en fixant des objectifs correspondant aux attentes des fans, sevrés de bons résultats depuis trop longtemps. Sans oublier, bien sûr, de boucler le budget pour la saison 2023-2024, qui reprendra le 8 septembre, et d’éponger les dettes d’un passé récent. Vaste programme…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires