Sarkozy sera jugé en 2025 dans le dossier du financement libyen

Suivant les préconisations des magistrats ayant enquêté sur l’affaire, les juges ont décidé de renvoyer l’ancien président et plusieurs de ses ministres devant la justice. Ils devront s’expliquer sur le rôle joué par le régime Kadhafi dans le financement de sa campagne en 2007.

Mouammar Kadhafi et l’ex-président français Nicolas Sarkozy, à l’Élysée en 2007. © Patrick Hertzog/Pool/REUTERS

Publié le 25 août 2023 Lecture : 3 minutes.

Un nouveau procès pour Nicolas Sarkozy, le plus infamant à ses yeux : deux magistrates financières ont signé son renvoi devant le tribunal correctionnel pour être jugé pour les soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 qu’il nie en bloc. L’ancien chef de l’État comparaîtra pour corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens, d’après un communiqué du procureur financier Jean-François Bohnert rendu public ce 25 août.

Il occupera le banc des prévenus aux côtés de douze autres personnes parmi lesquelles trois anciens ministres : Claude Guéant et Brice Hortefeux, membres de son premier cercle, ainsi qu’Eric Woerth, ex-trésorier de la campagne présidentielle suspecte. Âgé de 68 ans, Nicolas Sarkozya toujours vigoureusement contesté les faits et multiplié les recours contre sa mise en cause.

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« Sous réserve » d’éventuels recours, l’audience se tiendra « entre le 6 janvier 2025 et le 10 avril 2025 » devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, d’après le Parquet national financier (PNF).

« Pacte de corruption »

Les deux magistrates financières ont globalement suivi les réquisitions du PNF qui avait évoqué mi-mai « l’aval » et la « parfaite connaissance de cause » de Nicolas Sarkozy quant aux agissements reprochés. Dans leur ordonnance de 557 pages signée le 24 août et dont l’AFP a eu connaissance, elles évoquent dix ans d’enquête tentaculaire confiée à l’Office anticorruption (Oclciff) et qui a pâti du « peu de moyens humains », de l’ « absence de volonté politique en France (quelle que soit la période) pour faire la transparence sur ces faits », ainsi que des « manipulations » et autres « déstabilisations ».

Elles soulignent que si « dans les dossiers économiques et financiers il n’existe pas d’évidence », « il apparaît qu’un pacte de corruption a été noué entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi aux fins de financement de l’élection du premier ». Pour les magistrates, l’idée d’une « machination destinée à nuire à Nicolas Sarkozy », thèse défendue par celui-ci, « pour le punir d’avoir conduit la coalition contre le régime de Mouammar Kadhafi » en 2011 « ne résiste pas à l’analyse ».

Deux hommes d’affaires sont au cœur du dossier : le franco-libanais Ziad Takieddine, en fuite au Liban et qui devrait donc être le grand absent de l’audience, et le franco-algérien Alexandre Djouhri, soupçonnés d’avoir servi d’intermédiaires.

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L’information judiciaire avait été ouverte en avril 2013 sur le fondement d’accusations de dignitaires libyens, de Takieddine et de la publication par Mediapart, entre les deux tours de la présidentielle 2012, d’un document censé prouver que cette campagne avait bénéficié de fonds libyens, contesté par le président Sarkozy.

Mouvements de fonds « atypiques et troubles »

Abondants témoignages parfois antérieurs à 2011, notes des services secrets de Tripoli, mouvements de fonds « atypiques et troubles », matérialisation d’un certain nombre de contreparties… Les magistrats ont réuni une somme d’indices troublants pour étayer la thèse de fonds libyens qui auraient bénéficié à la campagne de l’ancien président ou à son entourage. « Vous n’avez ni les preuves de l’arrivée, ni les preuves de la sortie concernant l’argent (…) Où est l’argent ? » s’était défendu fin 2020 l’ex-chef de l’État, lors d’un interrogatoire.

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Claude Guéant « a toujours fait valoir qu’aucune infraction ne pouvait lui être reprochée (…), ce qu’il démontrera » lors de l’audience, a réagi son conseil, Me Philippe Bouchez El Ghozi. « On parle des millions de Kadhafi mais on ne peut pas faire cette relation avec 30 000 euros recueillis et distribués après la campagne », a aussi lancé l’avocat d’Eric Woerth, Me Jean-Yves Le Borgne.

« Procès historique »

Côté parties civiles, c’est la satisfaction. Me Vincent Brengarth, avocat de l’association anticorruption Sherpa, a salué « un travail extrêmement minutieux de la juridiction d’instruction » qui « ouvre la voie à un procès totalement historique visant un ancien chef de l’État. C’est un signal fort pour tous les justiciables qui déplorent l’existence d’une justice à deux vitesses ».

Le dossier principal est accompagné depuis mi-2021 d’une enquête sur une possible tentative de subornation de Ziad Takieddine, qui a temporairement retiré fin 2020 ses accusations contre Nicolas Sarkozy. Le chef de l’État, qui vient de publier un nouveau livre de mémoires, a été entendu mi-juin en tant que suspect sur ces soupçons, et son domicile a été perquisitionné.

Déjà condamné à de la prison ferme en appel dans l’affaire dite des « écoutes » (il a formé un pourvoi) et en première instance dans l’affaire Bygmalion (il sera rejugé en novembre), Nicolas Sarkozy devra donc affronter un troisième dossier judiciaire. Interrogé sur ses affaires judiciaires le 23 août sur TF1, il avait déclaré : « Je n’ai rien à me reprocher, je n’ai pas détourné un centime ».

(avec AFP)

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