La transparence des activités extractives, composante essentielle de la RSE en Afrique
Ginette Leclerc et Lubomir Roglev (photo) sont associés chez Fasken Martineau, un cabinet d’avocats international d’origine canadienne spécialisé en droit des affaires et en litige.
L’industrie extractive est à la fois le fer de lance et le talon d’Achille de l’Afrique. La richesse intrinsèque de l’Afrique en ressources naturelles ne lui a pas encore apporté – loin de là, et malgré leur exploitation intensive – le développement social et économique espéré.
L’Afrique ne pouvait rester étanche au phénomène de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans le contexte de la mondialisation, alors que la RSE est devenue incontournable tant pour les entreprises que pour les pouvoirs publics sur les continents américain et européen et ce, particulièrement dans le domaine des ressources naturelles. La multiplication des initiatives tant nationales qu’internationales – que ce soit par la mise en place de politiques RSE par les entreprises du secteur des industries extractives, ou par l’adoption, par les États-Unis et l’Union Européenne, de règles contraignantes pour ces entreprises – a introduit la problématique en Afrique. La vraie question est de savoir si les pays d’Afrique riches en ressources naturelles (hors Afrique du Sud et Afrique du Nord qui ont un positionnement différent) se sont appropriés la RSE, par une démarche qui leur est propre.
L’action ferme et cohérente des politiques et des administrations est essentielle.
Transparence
Revenons brièvement sur les éléments RSE exogènes à l’Afrique les plus emblématiques : le Global Mining Initiative, l’Extractive Industries Transparency Initiative (EITI), les dispositions du Dodd-Franck Act des États-Unis et de la récente Directive européenne 2013/34/UE sur la transparence des industries extractives. Par la combinaison de ces instruments, la problématique de la transparence des paiements est appréhendée à la fois par les pouvoirs publics, par la société civile (pour les pays adhérents à l’EITI) et par les industriels. La transparence des activités des industries extractives est en effet une composante essentielle de la RSE en Afrique.
Une meilleure prise en compte des intérêts des populations locales et de la protection de l’environnement est l’autre facette fondamentale de la RSE et c’est sur ce thème que l’action des pays africains s’est le plus fait sentir.
La Première Conférence de l’Union africaine des ministres responsables du développement des ressources naturelles (Addis-Abeba, octobre 2008) a donné naissance à Vision minière pour l’Afrique (VMA) et a consacré le principe de la gestion et du développement prudents, transparents et efficaces des ressources naturelles et celui d’un développement socio-économique rapide et durable. Ces principes, pour nobles qu’ils soient, n’étaient pas nouveaux : l’élément remarquable, c’est que VMA est la première initiative commune des pouvoirs publics des pays membres de l’Union africaine sur l’accès et la gestion des ressources naturelles. De plus, l’approche retenue se démarque du modèle plus libéral imposé aux pays africains par les instances internationales à la fin des années 1980-90 du siècle dernier.
La transparence des activités des industries extractives est une composante essentielle de la RSE en Afrique.
VMA n’est pas restée lettre morte puisque un Plan d’actions a été adopté en 2011 et certains pays comme la Tanzanie (2010), la Guinée (2011 et 2013) et le Mali (2012) ont déjà procédé à la modification de leurs codes miniers pour intégrer des dispositions relatives à une meilleure prise en compte des intérêts des populations locales et à l’environnement. La réforme du code minier de la Côte d’Ivoire est par ailleurs en cours. La Banque africaine de développement est en train de mettre en place, dans le cadre du Plan d’actions, un Institut des ressources naturelles.
« Nouvelle génération »
L’apparition de cette « nouvelle génération » de codes miniers en Afrique qui contient non seulement des dispositions déclaratives sur ces sujets, mais aussi des dispositions concrètes, notamment en matière de conflits d’intérêt, de respect de la réglementation applicable en matière d’environnement, de santé et de mines artisanales, est une tentative timide vers une réelle appropriation de la RSE par l’Afrique et pour l’Afrique. Diverses interventions et concertations au niveau régional (CDAA, CEDEAO et UEMOA) sont aussi prises dans l’objectif d’harmoniser les codes miniers.
Une nouvelle gouvernance « sociétale » des ressources naturelles en Afrique est bien en train de se construire. Cette gouvernance, pour être efficace, doit nécessairement se faire avec une forte participation des pouvoirs publics auxquels les entreprises ne peuvent pas se substituer. L’action ferme et cohérente des politiques et des administrations, à la fois en matière de transparence, de développement social et d’environnement est essentielle. Et si la RSE doit être adaptée à l’Afrique, il faut malgré tout, pour asseoir sa légitimité et sa crédibilité, que ses normes s’alignent raisonnablement sur les standards internationaux.
La troisième édition du Forum international de RSE à Accra les 27 et 28 novembre 2013 et le salon minier organisé en parallèle, est une occasion de faire le point sur la RSE des ressources naturelles en Afrique.
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