Emmanuel Macron et la « disparition » du Mali, du Burkina et du Niger
Dans son discours annuel lors de la conférence des ambassadeurs français, le président de l’Hexagone a répété sa conviction que trois États africains auraient disparu si Paris n’était pas intervenu militairement au Sahel.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 29 août 2023 Lecture : 2 minutes.
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire Le Point, publiée le 23 août dernier, le président de la République, interrogé sur le sentiment anti-français supposé dans la bande sahélienne, s’essaye à l’uchronie, cette technique de narration d’évènements fictifs à partir d’un point de départ historique réel. À partir de la demande d’aide militaire à la France formulée, il y a tout juste une décennie, par le président malien par intérim Dioncounda Traoré, dans ce cas.
En posant le postulat que la France a ignoré cet appel, Emmanuel Macron aiguille son histoire vers une issue plutôt radicale : « Si nous ne nous étions pas engagés, avec les opérations Serval puis Barkhane, il n’y aurait sans doute plus de Mali, plus de Burkina Faso. Je ne suis même pas sûr qu’il y aurait encore le Niger. »
Une uchronie arrogante ?
Sans tergiverser sur l’éventualité, il y a dix ans, d’une prise de Bamako par des jihadistes, et sans minimiser le sacrifice des 58 militaires français décédés au Sahel, nombre d’observateurs africains qualifient cette assertion gaullienne – ersatz de « moi ou le chaos » – d’arrogante. Dans des analyses moins épidermiques, des spécialistes des questions géopolitiques y lisent de la science-fiction. Si Macron évoque l’hypothèse de la « création de califats à quelques milliers de kilomètres » de son pays, il n’ignore pas que ni la prise du pouvoir par les talibans ni l’instauration du proto-État « Daesh » n’ont rayé l’Afghanistan, la Syrie ou l’Irak du planisphère.
Les mots de l’interviewé ont-ils dépassé sa pensée, comme c’est parfois pardonnable, dans un long entretien sans filet ? Il semblerait que non. Le lundi qui suit, en ouverture de la conférence des ambassadeurs français, le chef de l’État enfonce le clou. Après une quarantaine de minutes de discours, Emmanuel Macron moque une « alliance baroque entre prétendus panafricains et néo-impérialistes » et répète son analyse uchronique : « Si nos militaires n’étaient pas tombés au champ d’honneur en Afrique, si Serval puis Barkhane n’avaient pas été décidées, nous ne parlerions aujourd’hui ni de Mali, ni de Burkina Faso, ni de Niger. »
À peine a-t-il formulé ce qui pourrait ressembler à une nuance – « ces États n’existeraient plus aujourd’hui dans leurs limites territoriales » –, qu’il répète combien il est convaincu d’avoir raison : « Je peux vous le dire avec certitude. » Si les diplomates de l’aréopage du jour apprennent à dépeindre des verres à moitié vides et des verres à moitié pleins, Macron, lui, dresse un bilan présomptueux où le verre est plein à ras bord. Et comme l’outrance appelle l’outrance, le porte-parole du gouvernement burkinabè, Jean-Emmanuel Ouédraogo, se croit autorisé à décrire un verre vide, ou plutôt empli de ciguë : « La France fait partie du problème sécuritaire du Burkina Faso. » Les peuples du Sahel ne méritent-ils pas mieux qu’une fiction et un diagnostic à documenter ?
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