L’Afrique, moteur de la lutte contre le changement climatique, par Svenja Schulze
Le premier Sommet africain sur le climat s’ouvre le 4 septembre à Nairobi. Pour la ministre allemande de la Coopération économique et du Développement, qui formule des propositions concrètes au nom de son pays, cet événement démontrera que l’Afrique peut jouer un rôle majeur dans la résolution de cette crise planétaire.
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Svenja Schulze
Ministre allemande de la Coopération économique et du Développement
Publié le 1 septembre 2023 Lecture : 5 minutes.
Les pays africains font partie intégrante de la solution à la crise climatique mondiale. Le premier Sommet africain sur le climat, qui s’ouvre à Nairobi ce 4 septembre, montre à la communauté internationale la voie à suivre pour que notre planète ait un avenir.
Les 10% des personnes les plus fortunées du monde sont à l’origine de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre. Dans les pays aisés, en particulier, la lutte contre le réchauffement climatique ne progresse que très laborieusement. Il semble donc légitime de se demander, à l’instar des militants de la cause climatique, tels qu’Elizabeth Wathuti, si les populations des pays industrialisés ont réellement pris conscience de la gravité de la situation. Pour un grand nombre d’Africains, cette question ne se pose pas : ils sont directement frappés, à commencer par les plus pauvres d’entre eux.
Transition juste
L’ensemble des États africains est à l’origine de seulement 6% du total des émissions de CO2. Pourtant, sur le continent, les conséquences du changement climatique sont particulièrement dramatiques. C’est pourquoi il est devenu crucial de soutenir les pays africains à s’adapter à ce bouleversement. À l’occasion du premier Sommet africain sur le climat, à Nairobi, les enjeux seront très élevés : il sera question du rôle moteur que l’Afrique doit jouer pour faire basculer le monde vers la neutralité climatique.
Le défi : subvenir aux besoins énergétiques de populations en pleine croissance démographique
Le programme ambitieux de ce Sommet montre que la plupart des pays africains sont confrontés à un gigantesque défi : subvenir aux besoins énergétiques de leurs populations en pleine expansion démographique. Simultanément, il leur faut procéder à la décarbonation de leur économie et s’adapter aux conséquences du changement climatique.
La transition vers la neutralité climatique représente toutefois un potentiel considérable pour un grand nombre d’États africains. En créant des activités économiques durables et des énergies renouvelables, ils peuvent également créer de vrais emplois, stimuler leur économie et donner à cette dernière une orientation écologique et sociale. Ainsi, ils peuvent progresser vers une transition mondiale juste. Comme l’indique Joseph Ng’ang’a, directeur général du Sommet africain sur le climat : « L’Afrique dispose des ressources, et le monde dispose des moyens financiers et des technologies. »
Pour William Ruto, président du Kenya et hôte de ce sommet, l’Afrique peut contribuer à la résolution de la crise climatique grâce à ses énergies renouvelables, à ses minéraux et minerais, et à son potentiel agricole. L’Allemagne, l’Europe, la communauté internationale devraient soutenir cet effort. Ceci suppose que les pays industrialisés tiennent la promesse qu’ils ont faite aux pays du Sud : que 100 milliards de dollars soient consacrés chaque année au financement international de la lutte contre le réchauffement climatique.
Convertir les dettes en actions en faveur du climat
En 2022, 6,3 milliards d’euros de fonds budgétaires allemands ont été alloués à ce financement. L’Allemagne est sur la bonne voie et paie sa part. Mais tout ne se résume pas à de l’arithmétique. L’architecture financière internationale doit être transformée, et c’est à juste titre que le Sommet africain sur le climat a placé ce thème en tête de son ordre du jour.
Pour cette raison, je souhaite contribuer aux débats de ce sommet en avançant trois propositions concrètes :
1) « A better and bigger bank » : faire de la Banque mondiale (BM) une véritable banque de transformation
Je préconise une profonde réforme de la Banque mondiale, afin que davantage de capitaux soient affectés à des investissements d’importance stratégique mondiale, tels que la crise climatique. À cet effet, la BM doit réorienter son modèle commercial, fondé sur les pays, et le faire tendre vers une meilleure protection du climat, de la santé publique et d’autres biens publics, au-delà des frontières. Tout le monde en bénéficiera ! Cela signifie également de ne pas opposer la protection du climat, d’un côté, à la lutte contre la pauvreté, de l’autre. Au contraire, en tant que banque de transformation, la BM doit contribuer à améliorer l’équité sociale dans les sociétés et les économies nationales, et à les rendre toutes plus écologiques. Par exemple, en créant des emplois dans des secteurs climatiquement neutres, grâce à ses investissements.
2) Conversions des dettes : reconnaître la valeur du climat
La question du climat soulève, aussi, celle de l’endettement puisqu’il se révèle encore trop souvent exact, hélas, que les dettes « détruisent » le climat. Nombre de pays africains se retrouvent face à ce dilemme : comment investir dans la protection du climat et dans la gestion écologique de l’économie quand on est endetté.
Voici pourquoi je milite en faveur des « échanges dette contre actions en faveur du climat » (debt-for-climate swaps) ou des « échanges dette-nature » (debt-for-nature swaps). L’idée consiste à ce qu’un pays endetté, mais pas encore surendetté, puisse convertir une partie de sa dette en investissements d’un montant équivalent destinés à la transformation sociale et écologique. Ce système bénéficie à la fois au pays endetté et à la communauté internationale.
3) Financer la protection du climat grâce à des impôts mondialement justes
Les impôts sont le moyen le plus simple et le plus efficace de redistribuer les richesses dans l’intérêt de tous. Le coût de la protection du climat fait partie de ce type de dépenses. Pour cette raison, chacun devrait y apporter une contribution appropriée. Ceci suppose de taxer davantage les riches et, aussi, de veiller à ce que les multinationales paient leurs impôts dans les pays où elles exercent leurs activités.
Multinationales non taxées
Or, dans un grand nombre d’États, notamment du Sud, les multinationales ne paient guère d’impôts alors qu’elles bénéficient des infrastructures publiques, des ressources et de la main d’œuvre nécessaires à leurs activités. Pour cette raison, je plaide en faveur de l’organisation de négociations fiscales internationales, auxquelles participeraient les pays du Sud, sur pied d’égalité avec le Nord. J’entends souvent les représentants de la société civile dire que « lorsqu’on n’est pas à table, on est au menu ». Si les régimes fiscaux étaient harmonisés et équitables, nombreux seraient les pays africains capables d’accroître eux aussi leurs recettes fiscales et, de ce fait, d’abonder des fonds dévolus à la protection du climat.
Source d’inspiration pour la COP28
Dans ces réflexions portant sur le financement de la lutte contre le réchauffement climatique, je vois un simple début. Lors du Sommet africain sur le climat, à Nairobi, les représentants allemands auront pour mission essentielle d’être à l’écoute et de retenir ce qui aura été dit, comme incitation et source d’inspiration pour notre propre travail et pour celui des organisations internationales. À la COP28, qui aura lieu en décembre à Dubaï, le point de vue des pays africains comptera vraiment.
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