Bella Shmurda : « Je rêve d’un feat avec Aya Nakamura »
Après le succès de « Hypertension », le chanteur nigérian publie « DND ». Un univers à la croisée de la musique fuji et de l’afrobeats qui se démarque dans un marché de l’afropop saturé.
Il partage les mêmes producteurs que Yemi Alade, Mr Eazi ou encore Davido, et compte parmi ses collaborations quelques pointures de l’afrobeats comme Olamide (auteur de son titre Jojo) et Tiwa Savage. Bella Shmurda fait partie de ces nouvelles coqueluches de l’afropop que seul le Nigeria sait fabriquer depuis l’avènement du genre propulsé par Wizkid et Burna Boy. Difficile, donc, de s’y retrouver et de différencier les perles des pales copies dans un marché que Bella Shmurda, Abiola Ahmed Akinbiyi de son vrai nom, qualifie lui-même de saturé.
Spiritualité et esprit urbain
C’est grâce à son habile mélange de musique fuji et de sonorités actuelles, mixant samples de cuivres et nappes de piano aux accents jazz, vocalises trempées dans l’autotune et chœurs incantatoires que Bella Shmurda, qui signifie « beau cadeau de Dieu », se distingue. Un jeu subtil entre spiritualité yoruba et esprit urbain. « Au Nigeria, tous les jeunes veulent chanter, sortir des sons. Il y a énormément de productions et de musiques, qui finissent par toutes se ressembler, et je ne veux pas être noyé dans cette masse ou être influencé. C’est très facile de copier les vibes des autres, mais je tiens à ma singularité », défend-t-il, son visage encore juvénile planqué derrière son écran d’ordinateur, depuis Lagos. « Je n’ai pas envie de faire comme tout le monde et de surfer sur l’amapiano. Je voulais réinventer la musique yoruba, avec laquelle j’ai grandi, en la mêlant aux sons africains contemporains. »
Bien que conscient de faire partie d’une industrie qui va toujours plus vite, guidée par la course à la surproductivité et à la surexposition, le natif d’Ikorodu, un quartier de Lagos, préfère prendre le temps. En octobre 2021, à 25 ans, il sort un premier album, Hypertension, sur lequel figurent pas moins de 15 titres. Se plier aux effets d’annonce et au jeu des publications de titres au compte-goutte ? Trop peu pour Bella, qui préfère renouer avec les longs formats et plaider pour une consommation lente, loin de l’effet zapping. Pour autant, le Nigérian ne chôme pas.
Il a dévoilé, moins d’un an après la publication de son premier essai, l’EP DND, pour Do Not Disturb (ne pas déranger), qu’il a soigneusement travaillé. « Je suis le genre de personne qui crée mon univers sonore de manière artisanale. Je n’aime pas qu’on me propose des beats prêts à l’emploi, j’aime créer en collaboration avec les producteurs et trouver mon propre son », décrypte ce pro de la mélodie qui aime avoir la main sur l’ensemble des étapes de fabrication de ses albums – de l’enregistrement au mixage, en passant par le mastering –, qu’il publie sur son propre label, Dangbana Republic. Être son propre patron, voilà ce à quoi il aspire, comme il le clame dans In charge.
Prise de conscience
Si ce « new born Fela » (ce « nouveau Fela », du nom de l’un de ses morceaux) chante un peu les réalités du pays et de sa jeunesse, il entonne surtout ses conquêtes et sa quête d’argent. Des préoccupations propres aux artistes du genre, même s’il se dit concerné par l’actualité qui frappe les pays du Sahel, théâtre de plusieurs coups d’état. « On est tous africains et nos chefs doivent se réunir et parler ensemble. J’espère une sortie de crise dans la diplomatie. Je ne crois pas en un scénario de guerre, nous sommes une famille, des frères. On combat pour les mêmes choses, nous ne voulons plus être des esclaves et à la solde des autres pays », juge ce titulaire d’un bachelor en histoire et relations internationales à l’université d’état de Lagos (Ojo).
Fils d’une mère professeure principale de son université, Bella n’a eu d’autre choix que d’étudier. « Ma mère n’a jamais perçu la musique comme un métier, et ne m’a pas vraiment encouragé dans ce sens. Tous mes frères et sœurs ont dû suivre des études supérieures », raconte le benjamin d’une fratrie de 10 enfants, né dans une famille polygame. « Elle voulait que je devienne un historien, ricane-t-il. J’ai dû cumuler études et musique, en courant au studio après les cours, en cachette. En Afrique, on oublie les notions de passion et de trajectoire individuelle, en préférant nous imposer qui l’on doit devenir. Ça change un peu, heureusement, et j’en suis l’exemple », pointe celui qui se dit néanmoins reconnaissant de l’éducation reçue par sa mère. « La discipline qu’elle m’a transmise m’a permis de grandir et de devenir aussi qui je suis, un artiste qui réussit plutôt bien. »
« Un jour, je vais vous asseoir et vous expliquer à quel point la voix de Bella Shmurda est importante dans le paysage de la musique africaine », avait ainsi tweeté Wizkid en 2021 à propos de son petit protégé. Deux ans après, Hypertension comptabilise 250 millions de streams dans le monde, et DND, déjà plus de trois millions, à peine deux mois après sa sortie. Avec des concerts donnés un peu partout en Afrique de l’Est et ailleurs, du Kenya aux États-Unis, en passant par Londres, à l’O2 Arena, où il a été invité à chanter au côté de « Wiz », Bella Shmurda souhaite continuer à conquérir le marché européen. Comme de plus en plus d’artistes du continent, il mise pour cela sur les collaborations avec la diaspora. « Je veux étendre mon audience et je rêve d’un feat avec Aya Nakamura, que j’adore. Mon équipe et moi l’avons contactée, on attend une réponse que j’espère positive. On croise les doigts. »
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