Que devient l’artemisia, trois ans après le Covid-Organics ?

En 2020, le président malgache Andry Rajoelina projetait de sauver le monde du Covid-19 avec sa tisane à l’artemisia. Trois ans plus tard, le buzz est retombé, mais pas le business autour de la précieuse plante anti-paludéenne.

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Publié le 7 octobre 2023 Lecture : 3 minutes.

Dans une rue d’Antananarivo, le 20 décembre 2018. © Themba Hadebe/AP/SIPA
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Un soir d’avril 2020, à la télévision, alors que le monde entier est plongé dans l’angoisse de la pandémie de Covid-19, le président Andry Rajoelina annonce une solution. Il est sur le point de « changer le cours de l’histoire » grâce à une plante, l’artemisia, qui, en infusion, aurait le pouvoir de prévenir et même de guérir du Covid. Le 20 avril 2020, le chef de l’État malgache lance officiellement et en grande pompe son remède, le Covid-Organics (CVO), dont il boit une généreuse rasade devant les caméras et le gratin du gouvernement.

L’information fait le tour du monde. Rajoelina érige le CVO en objet de fierté nationale et panafricaine. Pendant quelques semaines, les Malgaches s’alignent devant des barils de CVO en distribution gratuite, dans nombre de rues de la capitale. Madagasacar envoie aussi des échantillons dans une vingtaine de pays, dont le Congo, la Guinée-Bissau, les Comores, le Tchad… Avant que le buzz ne retombe. Définitivement ?

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Plus scientifique et plus « normé »

En octobre 2020, les autorités malgaches rendent le remède plus scientifique, plus « normé », et développent le CVO+, sous forme de gélules : un mélange d’artémisinine, un principe actif concentré de l’artemisia, et d’huile essentielle de ravintsara. La mise en gélules s’effectue dans l’usine réhabilitée de Pharmalagasy et les matières premières, l’artemisia et l’artémisinine, proviennent toujours du même groupe local, Bionexx.

« Il y a une corrélation entre les ventes de CVO+ et le nombre de cas de Covid », observe Charles Giblain, fondateur et président du conseil de surveillance de Bionexx. Le CVO+ version préventive s’est vendu à environ 600 000 boîtes lors des pics de 2021. « Mais le CVO+ version curative, avec un dosage plus élevé, est resté cantonné aux essais cliniques et à quelques ventes anecdotiques », constate le dirigeant.

Un puissant anti-paludéen avant tout

Si le CVO a « subi » la baisse du nombre de cas de Covid, l’artémisinine demeure un puissant anti-paludéen. Et c’est le marché sur lequel Bionexx, seul producteur hors de Chine, reste positionné depuis sa création, en 2005. La société compte environ 350 employés et collabore avec 15 000 à 20 000 paysans, répartis sur 4 000 à 5 000 hectares, principalement dans la région de Fianarantsoa, pour traiter environ 2 200 tonnes (t) de feuilles d’artemisia séchées et produire environ 20 t d’artémisinine par an.

La demande mondiale est d’environ 350 tonnes d’artémisinine par an, correspondant à 750 millions de traitements.

Bionexx écoule sa production sur un marché mondial où la demande est stable : environ 350 t par an, correspondant à 750 millions de traitements Artemisinin-based Combination Therapy (ACT). En revanche, l’offre est volatile. « Il y a un an et demi, un prix élevé a attiré des opportunistes chinois, qui ont produit énormément de feuilles, et nous avons donc subi une surproduction et une baisse des prix, jusqu’à tomber au-dessous du prix de revient, si on prend en compte les coûts fixes », déclare Charles Giblain.

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Une situation qui devrait s’améliorer avec une nouvelle baisse de l’offre de feuilles en 2023. En outre, Bionexx a diversifié son risque. L’entreprise a créé une co-entreprise pour produire de la quinine à Madagascar avec l’allemand Buchler, un acteur qui œuvre dans cette filière depuis cent-cinquante ans.

En attendant qu’un jour, peut-être, le CVO+ ne reconquière le monde pharmaceutique ? En 2021, Bionexx a participé à des essais cliniques avec le Centre national d’application des recherches pharmaceutiques (Cnarp) à Madagascar et l’appui technique de l’OMS. Sur 339 patients, divisés en deux groupes (CVO+ curatif et placebo), la durée de guérison du Covid était plus courte chez les patients bénéficiant du remède. Et aucun n’a développé de forme grave.

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