L’Afrique, future « superpuissance » des énergies renouvelables ?

Réunis pour la première fois en sommet continental sur le climat à Nairobi, les pays africains ambitionnent de parler d’une seule voix pour peser sur les décisions de la Cop28 qui se tiendra dans trois mois à Dubaï.

Des activistes climatiques militant pour un financement plus conséquent des pays riches pour les énergies renouvelables, à Nairobi, à l’ouverture du premier sommet africain sur le climat, le 4 septembre 2023. © Suleiman Mbatiah / AFP

Publié le 5 septembre 2023 Lecture : 4 minutes.

L’Afrique a une « opportunité sans équivalent » de se développer en participant à la lutte contre le réchauffement climatique, mais elle a besoin d’investissements internationaux massifs, a affirmé lundi 4 septembre le président kényan William Ruto en ouverture du premier Sommet africain sur le climat. Un événement historique qui lance les quatre mois les plus chargés de l’année pour les négociations climatiques internationales, lesquelles culmineront avec une bataille sur la fin des énergies fossiles à la COP28, à Dubaï, de fin novembre à début décembre.

Pendant trois jours, dirigeants et responsables d’Afrique et d’ailleurs, dont le chef de l’ONU António Guterres, sont réunis à Nairobi afin de dégager une vision continentale commune sur le développement et le climat. L’objectif est ambitieux pour un continent accueillant 1,4 milliard d’habitants – parmi les plus vulnérables du monde au changement climatique – dans 54 pays politiquement et économiquement divers.

la suite après cette publicité

L’Afrique en première ligne du changement climatique

« Le sujet majeur […] est l’opportunité sans équivalent que l’action climatique représente pour l’Afrique », a déclaré William Ruto dans son discours inaugural. « L’Afrique détient la clé pour accélérer la décarbonation de l’économie mondiale. Nous ne sommes pas seulement un continent riche en ressources, nous sommes une puissance au potentiel inexploité, désireuse de s’engager et d’être compétitive équitablement sur les marchés mondiaux », a-t-il estimé.

Des centaines de personnes se sont regroupées à proximité du lieu de la conférence pour dénoncer son « agenda profondément corrompu », qui se concentre selon elles sur les intérêts des pays riches. « Moins de paroles, plus d’action climatique », clamaient des pancartes. Plusieurs organisations de la société civile demandent notamment au président William Ruto de ne pas intégrer au sommet des mécanismes comme les marchés de crédits carbone. « Le monde doit nous voir au-delà d’un statut de victimes ou de personnes vulnérables à la crise climatique », a déclaré la militante ougandaise Vanessa Nakate.

« Il est vrai que le continent africain est en première ligne du changement climatique. Mais il est également vrai que différentes personnes sur le continent africain sont en première ligne de la lutte pour la justice climatique », a-t-elle estimé. Bien que l’Afrique ne contribue qu’à 2% à 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, elle souffre de manière disproportionnée du changement climatique, accablée par des épisodes de sécheresse et d’inondations de plus en plus extrêmes, selon les chiffres de l’ONU.

À la recherche de 2 000 milliards de dollars

Les pays africains sont paralysés par le fardeau croissant de leur dette et le manque de financements. Malgré sa richesse en ressources naturelles, seulement 3% des investissements énergétiques dans le monde sont réalisés sur le continent. Selon William Ruto, l’Afrique a le potentiel pour être auto-suffisante en énergie grâce aux ressources renouvelables.

la suite après cette publicité

La moitié de sa population n’a actuellement pas accès à l’électricité, une « injustice » selon le chef de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol, soulignant dans un entretien le rôle central de l’énergie propre pour l’avenir climatique. Mais la recrudescence des tensions internationales risque de freiner tout progrès, a-t-il mis en garde, appelant notamment États-Unis et Chine à « laisser de côté leurs tensions géopolitiques et économiques » lors de la prochaine COP28.

Pour limiter le réchauffement climatique à +1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle prévu par l’accord de Paris, l’investissement doit atteindre 2 000 milliards de dollars par an dans ces pays en l’espace d’une décennie, a calculé le FMI. Les investissements internationaux doivent être « massivement accrus pour permettre de transformer les engagements en actes à travers le continent », ont déclaré lundi William Ruto, le président de la COP28, Sultan Al-Jaber, et le chef de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, dans un communiqué commun.

la suite après cette publicité

La Cop28 et le G20 dans le viseur

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a quant à lui appelé mardi le monde à faire de l’Afrique « une superpuissance des énergies renouvelables ». Celles-ci pourraient constituer, selon lui, « le miracle africain ». « Nous devons travailler ensemble pour que l’Afrique devienne une superpuissance des énergies renouvelables », a-t-il lancé, tout en demandant aux dirigeants du G20, qui se réunissent ce week-end en Inde, « d’assumer [leurs] responsabilités » dans la lutte contre le changement climatique.

Les Émirats arabes unis (EAU), qui accueilleront la prochaine conférence de l’ONU sur le climat (COP28) à Dubaï en fin d’année, ont annoncé de leur côté le premier engagement financier du sommet. Sultan Al Jaber, qui dirige également la compagnie pétrolière nationale des EAU (ADNOC) et la société gouvernementale d’énergies renouvelables Masdar, a déclaré que cet investissement « libérerait la capacité de l’Afrique à parvenir à une prospérité durable ».

« L’Afrique, partie essentielle de la solution »

Une transition énergétique propre dans les pays en développement est cruciale pour tenter de maintenir l’objectif de l’Accord de Paris consistant à limiter le réchauffement climatique « bien en-dessous » de deux degrés Celsius depuis l’époque préindustrielle, et de 1,5 °C si possible.

Pour y parvenir, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) affirme elle aussi que les investissements devront atteindre 2 000 milliards de dollars (1 852 milliards d’euros) par an d’ici une décennie, soit une multiplication par huit. Les intervenants du sommet ont également appelé à réformer les structures financières mondiales pour les aligner sur les objectifs climatiques. Sultan Al Jaber a notamment appelé à mener une « intervention chirurgicale sur l’architecture financière mondiale construite pour une époque différente », exhortant notamment les institutions internationale à réduire la dette qui plombe de nombreux pays.

Un projet de déclaration finale – encore en négociation – souligne le « potentiel unique de l’Afrique pour être une partie essentielle de la solution ». Le document cite le vaste potentiel du continent en énergies renouvelables, sa main-d’œuvre jeune et ses atouts naturels, notamment 40% des réserves mondiales de cobalt, de manganèse et de platine, essentiels pour les batteries et les piles à hydrogène. Un succès à Nairobi donnerait un élan à plusieurs réunions internationales clés avant la COP28, le sommet du G20 en Inde et l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, puis la réunion annuelle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à Marrakech en octobre.

(Avec AFP)

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

L’Afrique, moteur de la lutte contre le changement climatique, par Svenja Schulze

Contenus partenaires