La Guinée-Bissau vote dimanche pour mettre fin à deux ans de transition
La Guinée-Bissau, pays miné par la violence politico-militaire et le trafic de drogue, vote dimanche au second tour d’une élection présidentielle pour tourner la page de deux ans de transition ouverte le 12 avril 2012 par un énième coup d’État militaire.
Un peu plus de 775 000 électeurs sont appelés à choisir entre José Mario Vaz dit "Jomav", 57 ans, candidat du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC, principal parti du pays) et Nuno Gomes Nabiam, 51 ans, candidat sans étiquette mais notoirement soutenu par le Parti de la rénovation sociale (PRS, deuxième formation du pays) et des chefs de l’armée. Tous deux sont arrivés en tête au premier tour de scrutin, le 13 avril.
La campagne pour le second tour, en cours depuis le 2 mai, s’est déroulée généralement dans le calme. Elle a pris fin vendredi soir après des meetings de deux candidats, qui ont rassemblé des milliers de leurs partisans à quelques dizaines de mètres d’écarts dans une ambiance de carnaval et sans incident. Rien ne permet cependant de faire un pronostic sur l’issue du second tour, estime-t-on dans les milieux politiques à Bissau.
Le rôle de l’armée, "grande inconnue"
Chacun des candidats a reçu le soutien de plusieurs partis politiques et adversaires battus au premier tour. Sur le terrain, "le PAIGC est mieux implanté parce que c’est le plus grand parti du pays. Naturellement, son candidat part favori. Mais cela ne signifie pas qu’il faut sous-estimer Nuno Nabiam qui a le soutien du PRS et de toute la haute hiérarchie militaire", a déclaré à l’AFP Bamba Koté, analyste politique bissau-guinéen. "La grande inconnue", estime M. Koté, c’est "le rôle de l’armée, si on tient compte du fait qu’elle est intervenue en 2012 pour interrompre le processus" électoral entre les deux tours d’une présidentielle, annulée de facto.
C’est l’actuel chef de l’armée, le général Antonio Indjai, qui a dirigé ce putsch, en avril 2012. De notoriété publique à Bissau, Nuno Gomes Nabiam est apprécié de lui et d’autres officiers supérieurs, mais l’entourage du candidat et la hiérarchie militaire réfutent tout soutien de l’armée à M. Nabiam.
La Guinée-Bissau, ex-colonie portugaise de 1,6 million d’habitants, ne compte plus les coups d’Etat depuis son indépendance en 1974: rares sont les dirigeants ayant pu finir y leur mandat sans être renversés ou assassinés. Cette instabilité politique et l’extrême pauvreté y ont facilité l’implantation de trafiquants de drogue avec la complicité présumée de hauts responsables de l’armée. Le général Antonio Indjai a été inculpé en avril 2013 aux États-Unis de complot de narco-terrorisme.
Selon le chef du bureau de l’ONU à Bissau, José Ramos Horta, l’armée a promis d’accepter les résultats de l’élection de dimanche.
Fin avril, les deux candidats au second tour s’étaient déjà engagés à respecter le verdict des urnes. Chacun s’était aussi dit confiant en sa victoire.
"Mettre un pays exsangue sur les rails"
José Mario Vaz, ancien ministre des Finances, est réputé bon gestionnaire. Nuno Gomes Nabiam, ingénieur formé en Russie et ayant vécu 17 ans aux États-Unis, est depuis 2012 le directeur national de l’aviation civile. Devant leurs militants vendredi, ils ont exhorté au rassemblement autour de leur futur dirigeant qui devra relever de nombreux défis. "Nous avons une grande responsabilité, celle de mettre un pays exsangue sur les rails", a déclaré José Mario Vaz.
En même temps que son nouveau président, la Guinée-Bissau devra choisir "une nouvelle voie pour son développement". Le pays est parmi les plus pauvres au monde. Plus des deux tiers des Bissau-Guinéens vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Usmane Diop, un opérateur économique, a affirmé que le putsch de 2012 a ruiné son affaire en faisant fuir ses partenaires. "Il faut que le prochain président ait cela en mémoire et travaille dans ce sens", notamment en "garantissant la stabilité. (…) Autrement, aucun investisseur étranger ne viendra travailler ici", a-t-il dit à l’AFP.
Le nouveau président devra aussi composer avec une armée toute puissante et pléthorique, héritage de la guerre de libération contre le Portugal que les différents régimes en place depuis 40 ans ont vainement tenté de réformer. Les bureaux de vote doivent être ouverts dimanche de 07H00 à 18H00 GMT. Plusieurs organisations nationales et internationales ont déployé des observateurs pour superviser le scrutin, dont la sécurité sera assurée par des forces bissau-guinéennes et de la Commission économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Le chef des observateurs de la Cédéao Amos Sawyer a appelé à un second tour pacifique, à l’instar du premier tour, organisé en même temps que des législatives. Ces élections du 13 avril ont été marquées par un taux participation de 89,29%, un record pour le pays, selon la Commission électorale nationale (CNE).
(AFP)
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