Soudan du Sud : gouvernement et rebelles s’accusent de violer le cessez-le-feu
Le gouvernement et les rebelles du Soudan du Sud s’accusaient mutuellement dimanche de violer le cessez-le-feu quelques heures après son entrée en vigueur, venant doucher les espoirs d’une fin rapide du conflit ravageant le pays.
Dans un communiqué, les rebelles ont accusé les soldats du président Salva Kiir d’attaques terrestres et de tirs d’artillerie contre leurs positions dans deux Etats pétrolifères du Nord, le gouvernement soutenant de son côté que les rebelles avaient attaqué les premiers.
"Les violations de l »Accord visant à résoudre la crise au Soudan du Sud’", le document signé vendredi entre le gouvernement et les rebelles, "montrent que soit Kiir est hypocrite, soit il ne contrôle pas ses forces", a déclaré le porte-parole militaire des rebelles, Lul Ruai Koang, dans un communiqué.
Le président Kiir et Riek Machar, son ancien vice-président devenu chef rebelle, s’étaient rencontrés vendredi en Ethiopie pour y signer l’accord qui prévoyait la fin des combats dans les 24 heures, ou au plus tard samedi soir, et la formation d’un gouvernement de transition.
Mais dimanche, des affrontements ont été signalés autour de la ville de Bentiu (nord), capitale de l’Etat d’Unité, qui a changé plusieurs fois de mains récemment au gré des combats.
Des sources humanitaires indépendantes ont confirmé des tirs dans la ville, sans pouvoir dire qui avait tiré le premier.
Les rebelles ont affirmé que le gouvernement avait également lancé des attaques dans l’Etat du Haut-Nil voisin, et qu’ils se réservaient "le droit de se battre pour se défendre".
Le ministre sud-soudanais de la Défense, Kuol Manyang, a rétorqué que les rebelles avaient attaqué les premiers à Bentiu et qu’ils y avaient subi de lourdes pertes.
"Ils ont attaqué les premiers ce matin (dimanche). Ils ont attaqué nos positions et 27 d’entre eux ont été tués. Ils ont pour politique d’attaquer puis d’aller voir les médias", a-t-il indiqué.
M. Kiir a déclaré dimanche devant une foule rassemblée à Juba qu’il voulait la paix et que M. Machar avait signé "sous pression". "Nous avons donné l’ordre à nos forces de ne pas lever le pied de leur position d’où ils attaquaient les rebelles".
Le porte-parole du président Kiir, Ateny Wek, a assuré que le gouvernement avait donné des ordres stricts à l’armée de respecter l’accord de paix, sauf en cas de légitime défense.
"Des ordres ont été donnés à l’armée de commencer à respecter les dispositions de cessation des hostilités", a-t-il dit, ajoutant: "le droit à l’auto-défense n’a pas été annulé par l’accord".
Famine et génocide menacent
Les observateurs estiment toutefois qu’une trêve sera difficile à instaurer, avec d’une part une coalition rebelle hétéroclite composée de déserteurs de l’armée, d’ethnies diverses et peut-être de mercenaires venus du Soudan voisin, et d’autre part une armée gouvernementale dont la structure hiérarchique semble faible.
"Certaines commandants cherchent à agir selon leur bon vouloir, sans instructions. Nous pouvons donc nous attendre à un parcours semé d’obstacles", explique Simon Monoja Lubang, chercheur à l’Université de Juba.
L’accord avait été signé vendredi après d’intenses pressions diplomatiques et des menaces américaines et de l’ONU de sanctions ciblées.
Le conflit, commencé le 15 décembre, a fait des milliers de morts – probablement des dizaines de milliers, mais aucun bilan précis n’existe -, chassé plus de 1,2 million de personnes de leur foyer et dévasté les villes du pays.
A la rivalité politique à la tête du régime entre le président Kiir et Riek Machar, à l’origine du conflit, se sont greffées de vieilles rancunes entre peuples dinka et nuer, les deux principales communautés du pays dont sont issus les deux hommes.
L’ONU et des ONG ont dénoncé des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité des deux camps: massacres de civils sur critères ethniques, mobilisation de 9.000 enfants-soldats, attaques contre des écoles et des centres de soins, enlèvements et viols en masse de femmes et de filles…
Sous la protection des Casques bleus, plus de 78.000 civils sont terrés dans huit camps de l’ONU à travers le pays, craignant d’être tués s’ils se risquent à en sortir.
Les Nations unies ont dit craindre que le Soudan du Sud ne s’enfonce dans le génocide.
Elles ont également prévenu, comme nombre d’organisations humanitaires, que la famine – potentiellement la pire en Afrique depuis les années 1980 – menace un tiers des 11,5 millions de Sud-Soudanais.
Un précédent cessez-le-feu avait déjà été signé en janvier, mais jamais appliqué.
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