Quand Félix Tshisekedi tente de faire pression sur l’ONU
Alors que le chef de l’État congolais doit prochainement s’exprimer devant l’Assemblée générale des Nations unies, son gouvernement dénonce une nouvelle fois l’inefficacité de la Monusco et exige un départ dans les plus brefs délais.
La RDC cherche-t-elle à reprendre la main sur la scène internationale ? Le 20 septembre, Félix Tshisekedi montera à la tribune des Nations unies, et son ministre des Affaires étrangères commence déjà à lui préparer le terrain. Dans un courrier adressé à António Guterres, dont Jeune Afrique a obtenu copie, Christophe Lutundula a en effet des mots très durs à l’égard de la Monusco, la mission de maintien de la paix déployée – sous une forme ou une autre – depuis vingt-cinq ans en RDC.
« Les missions de l’ONU [Monuc et Monusco] n’ont pas réussi à faire face aux rébellions et conflits armés qui déchirent la RDC et la région des Grands Lacs ni à protéger les populations civiles », écrit le chef de la diplomatie congolaise dans une missive datée du 1er septembre.
Une lettre au vitriol
« Le cycle infernal des massacres de populations civiles, des violations massives des droits de l’homme, des crimes de guerre et contre l’humanité ainsi que l’exploitation illégale au grand jour des ressources naturelles de la RDC par des groupes armés nationaux et étrangers a continué et s’est amplifié dans l’Est, plus particulièrement dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu », ajoute-t-il. Et de préciser : « Le terrorisme intégriste de la mouvance Daech a même étendu ses tentacules en Ituri [via] les Forces démocratiques alliées (ADF). »
Une lettre au vitriol, dans laquelle Christophe Lutundula finit par lâcher : « On ne peut s’empêcher de relever qu’en quatorze ans de présence au Congo, le bilan de la Monusco est mitigé et son efficacité de plus en plus remise en question. »
Ce n’est pas la première fois que Kinshasa signifie son mécontentement. Longtemps chahutée sous la présidence de Joseph Kabila, la Monusco est désormais poussée vers la sortie par l’administration Tshisekedi. Ces derniers mois n’ont rien arrangé, martèle le chef de la diplomatie, puisque face à la résurgence de la rébellion du M23, l’ONU « n’a rien fait et n’a pris aucune sanction ».
La Monusco ? « Un problème à résoudre »
Il y a un an, en juin et en juillet 2022, mécontentement et frustrations accumulées ont explosé au grand jour en Ituri et dans le Nord-Kivu. À Goma, Beni, Butembo ou Kasindi, des manifestants ont violemment exigé le départ de la Monusco. « Depuis lors, en réalité, la confiance a été rompue […] entre les habitants de ces contrées, sinon l’ensemble des Congolais, et la Monusco », affirme Christophe Lutundula. Il mentionne également la tuerie perpétrée par la garde républicaine à Goma, le 30 août dernier, et dans laquelle une cinquantaine de personnes ont péri : les victimes appartenaient à une secte qui avait appelé à manifester contre la Monusco. Désormais, selon le gouvernement congolais, la mission onusienne « devient un problème à résoudre plutôt qu’une solution à cette crise ».
Des discussions sont déjà en cours pour un départ coordonné d’ici à 2024, mais Kinshasa souhaite que les délais soient raccourcis et que la Monusco amorce un retrait progressif dès la fin de cette année. C’est précisément cette demande qui est au cœur du courrier de Lutundula et que la RDC souhaite que le secrétaire général de l’ONU fasse appliquer.
Contactée par Jeune Afrique, une source gouvernementale reconnaît que la démarche congolaise constitue « un coup de pression pour faire bouger les choses ». « Les élections approchent, précise notre interlocuteur. Le président a besoin de résultats pour pouvoir compter sur l’électorat de l’Est. » Mais la RDC sera-t-elle soutenue devant le Conseil de sécurité ? Le pays a-t-il, sur ce sujet, des alliés à New York ? « Les réponses nageraient plutôt du côté de la négation », répond un diplomate européen.
Dans le déni
« Demander au Conseil de sécurité d’autoriser le retrait de la Monusco en plein processus électoral relèverait d’un déni du caractère anxiogène des scrutins dans ce pays en proie à l’activisme de 264 groupes armés, tant locaux qu’étrangers », martèle un autre. « Le Conseil de sécurité a une lecture différente [de celle de Kinshasa]. Elle nécessite plus de tact, tandis que la diplomatie congolaise s’isole dans un déficit de pragmatisme qui nuit à la cohérence de sa posture”, abonde une autre source diplomatique.
La RDC risque en effet de ne pas obtenir gain de cause à court terme, puisque la décision du Conseil de sécurité sur le calendrier de retrait sera rendue le 20 décembre, jour des élections générales congolaises. « Seules des réformes structurelles en matière de gouvernance plaideront en faveur d’un retrait », concède une source à la présidence de la République.
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