Au Maroc, dans les décombres du séisme
Le tremblement de terre de ce 8 septembre, le plus puissant de l’histoire contemporaine du Maroc, a déjà causé plus de 2 000 décès selon les derniers bilans officiels. Les blessés convergent maintenant vers les hôpitaux, en particulier à Marrakech.
« Nous sommes tous morts cette nuit-là », clame Hassan, un jeune trentenaire de Moulay Brahim au visage tiré par la fatigue. « On a tout perdu, nos maisons, nos commerces« , enchaîne l’homme, assis à même le sol à côté d’autres habitants allongés sur des couvertures. « Un coup de vent et les maisons s’écroulent. On ne peut dormir dans nos maisons alors nous dormons dehors », conclut-il.
Moulay Brahim est un village accroché à flanc de falaise du Haut Atlas, lieu apprécié par les touristes marocains et étrangers. Dans l’obscurité, en contrebas, une pelleteuse déblaie les restes d’une maison détruite par le tremblement de terre. Une dizaine de secouristes s’attellent à extirper des décombres deux cadavres. Malgré la fatigue, Youssef, aux commandes de sa pelleteuse, reste concentré.
« Cela fait presque huit heures que je creuse sans m’arrêter, le terrain est accidenté, ce qui rend la tâche difficile », explique -t-il. Lorsque les secouristes ont enfin accès aux corps sans vie de deux habitants du village, Youssef détourne le regard. « Je ne préfère pas regarder, c’est trop dur », confie-t-il. Les habitants de Moulay Brahim observent le ballet des secours et une ambulance quittant le village avec la dépouille de leurs voisins.
Région escarpée
La route qui mène à Moulay Brahim est sinueuse, de gros rochers tombés de la montagne jonchent le milieu de la route. « Les premières ambulances sont arrivés à 2 heures du matin et les secouristes à 14 heures à cause des éboulements », explique Ait Lahcen Mohamad, un vieil homme mince. Avec son frère, ils ont creusé à mains nues pendant plus d’une heure pour sortir des décombres des membres de sa famille « Nous avons réussi à sauver mon frère, sa femme et leur enfant de 4 ans. »
Toutes nos maisons se sont effondrées, on n’a plus d’eau, ni d’électricité, ni de nourriture. Nous manquons de tout
Les villageois comptent plus les morts que les rescapés. « Une vingtaine de personnes sont mortes ici. Un homme a perdu ses deux filles, et ils recherchent encore son fils et sa femme. Un autre a perdu 5 membres de sa famille », énumère tristement Ait Lahcen Mohamad en pointant du doigt les décombres. Alors que la nuit est tombée depuis plusieurs heures, les recherches se sont arrêtées. « Les secouristes reprendront demain pour trouver deux personnes, mais la zone est dangereuse », confie le vieil homme.
En contrebas, la ville d’Asni est devenue le point de rassemblement des Forces armées royales. Sur un grand parking en périphérie de la ville, des tentes militaires se sont dressées. Des familles installées autour du camp militaire font l’inventaire de leurs provisions. « Toutes nos maisons se sont effondrées, on n’a plus d’eau, ni d’électricité, ni de nourriture. Nous manquons de tout », constate Ahmed, un jeune homme d’Asni.
Au centre de la ville, la population afflue, s’éclairant avec les téléphones portables, vers la seule épicerie ouverte pour acheter des packs d’eau. Plongés dans le noir pour la deuxième nuit consécutive, les habitants de l’Atlas vont encore dormir dehors. « Demain, l’hôpital militaire sera en fonction », espère Ahmed. Le jeune homme et sa famille s’emmitouflent dans des couvertures et s’allongent sur de simples morceaux de carton. Les nuits dans les montagnes de l’Atlas sont froides.
Centres hospitaliers débordés
Une succession d’ambulances défile devant Ahmed et sa famille, le long de la route en direction de Marrakech. Au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Marrakech, le personnel est mobilisé. Les hôpitaux de la région d’Al Haouz sont débordés, selon un médecin qui préfère garder l’anonymat. « Au CHU de Marrakech, le personnel médical a reçu un nombre important de blessés. Tout le flux de la région est drainé vers le CHU. »
Au petit matin, sur le parking d’Asni, Hisham, un père de famille, se réveille dans son abri de fortune. L’heure est à l’inventaire. Hisham compte le reste des bouteilles d’eau avant d’en donner une à son fils pour laver son visage. « On commence à avoir un problème d’hygiène pour se laver. Les autorités et les militaires sont présents, mais personne n’est venu nous voir pour savoir comment on allait. Il n’y a même pas une citerne d’eau et on mange que des yaourts et des biscuits. »
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