Égypte : une figure de la révolte de 2011 libérée sous caution
Un militant de gauche, figure de la révolte de 2011, a été libéré dimanche sous caution à l’ouverture de son procès pour violences lors d’une manifestation non-autorisée en Égypte, où les autorités mises en place par l’armée répriment durement toute contestation.
Alaa Abdel Fattah a comparu dimanche avec 24 autres militants des mouvements progressistes de la jeunesse arrêtés en novembre pour avoir contrevenu à une loi qui venait d’être promulguée pour restreindre le droit de manifester dans le pays.
Avec cette mesure, le gouvernement avait ouvert un nouveau front face à la contestation, faisant redouter un retour au pouvoir autoritaire après la destitution du premier président élu démocratiquement du pays, l’islamiste Mohamed Morsi.
Ainsi, après avoir durement réprimé les partisans du président déposé par les militaires en juillet –une campagne qui a fait au moins 1.400 morts en huit mois selon Amnesty International–, les nouvelles autorités dirigées de facto par l’armée se sont tournées vers les mouvements de jeunesse, fer de lance de la révolte qui avait renversé Hosni Moubarak début 2011.
Sur les 25 accusés, 23 avaient été libérés sous caution en décembre et les deux derniers encore en détention –Alaa Abdel Fattah et Ahmed Abderrahmane– ont obtenu dimanche d’être libérés en échange d’une caution 10.000 livres égyptiennes, soient environ 1.000 euros.
Ahmed Seif, père et également avocat de Alaa Abdel Fattah, s’est dit "ravi". Le procès pour manifestation illégale, violences, agression et attaques contre des biens publics –des charges pour lesquelles ils encourent jusqu’à cinq ans de prison– doit toutefois reprendre le 6 avril. Tous ont plaidé dimanche non coupable.
"Une affaire politique"
Alaa Abdel Fattah a fait son entrée dans le box grillagé des accusés, vêtu de la traditionnelle tenue blanche des prisonniers et faisant le V de la victoire. Volubile et souriant, il a plaisanté avec les journalistes qui ont pu lui parler pendant une suspension de séance. Son co-détenu est en revanche resté assis, silencieux, dans un coin du box. Les autres accusés –une dizaine se sont présentés sur 23– étaient dans un box séparé.
A l’annonce de la libération sous caution des deux militants, avocats et co-accusés ont crié de joie et applaudi.
L’un des accusés avait affirmé à l’AFP¨avant l’ouverture du procès qu’il s’agissait d’"une affaire politique", accusant les autorités de "vouloir faire taire toute opposition". "C’est pour cela qu’ils s’en prennent aux jeunes de la révolution", avait martelé Mamdouh Gamal.
Depuis l’éviction début juillet de Morsi, soutenue initialement par Abdel Fattah et de nombreux mouvements de jeunes qui ont ensuite dénoncé un retour des méthodes du régime Moubarak, le nouveau pouvoir a arrêté des milliers de personnes, en majorité des islamistes, dont la quasi-totalité des dirigeants des Frères musulmans de M. Morsi, mais aussi des jeunes de la gauche laïque, dont certains ont écopé de peines de prison.
Dimanche également a repris le procès de Morsi pour "incitation au meurtre" de sept manifestants devant son palais présidentiel lors de rassemblements de ses opposants fin 2012. Le procureur y a diffusé des vidéos montrant des militants islamistes détruisant des campements de manifestants. La prochaine audience a été fixée au 5 avril.
Sissi favori
Le président destitué est également poursuivi dans trois autres affaires, dont deux pour lesquelles le procès est en cours, pour "espionnage" et pour "évasion de prison" durant la révolte de 2011.
Son année de présidence, émaillée de crises et de violences, lui avait valu les foudres d’une grande partie de la population et a conduit à des manifestations d’une ampleur inégalée dans le pays le 30 juin 2013, un an tout juste après son accession au pouvoir.
Trois jours plus tard, le chef de l’armée, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, apparaissait à la télévision pour annoncer la destitution de M. Morsi.
Désormais la personnalité la plus populaire du pays parce qu’il incarne une idée de stabilité, le maréchal Sissi est donné largement favori pour la présidentielle prévue dans les prochains mois et dont les Egyptiens, qui voient leur pays déserté par les touristes et leur économie en ruines achever de s’écrouler, attendent beaucoup.
Mais pour être éligible, il doit quitter ses fonctions au sein du gouvernement et de l’armée. Cette démission est attendue ce week-end.
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