Ukraine : La Crimée vote sur son rattachement à la Russie

Un million et demi d’électeurs de la péninsule ukrainienne de Crimée ont commencé de voter dimanche matin pour leur rattachement à la Russie lors d’un référendum dénoncé par le monde entier mais soutenu par Moscou et dont le résultat ne fait aucun doute.

Une femme vote à Simferopol, 16 mars 2014. © AFP

Une femme vote à Simferopol, 16 mars 2014. © AFP

Publié le 16 mars 2014 Lecture : 4 minutes.

"C’est un moment historique, tout le monde sera heureux", a lancé à la presse le "Premier ministre" pro-russe de la Crimée, Serguiï Axionov, après avoir glissé son bulletin dans l’urne à Simféropol, la capitale. "C’est une nouvelle ère qui commence", a-t-il affirmé, pendant qu’un homme agitant un drapeau ukrainien était repoussé par les gardes. "Nous allons célébrer ce soir", a conclu M. Axionov, sûr de sa victoire.

Alors que des troupes russes et des milices pro-russes sont déployées en Crimée, les habitants de cette région du sud de l’Ukraine sont invités à choisir entre l’intégration à la Fédération de Russie et une autonomie élargie au sein de l’Ukraine. Dès l’ouverture des bureaux de vote, de nombreuses personnes âgées sont venues voter. "Tout sera plus facile. Je suis complètement pour la Russie", a dit Raïssa, une Russe de 77 ans, s’appuyant sur sa canne pour entrer dans le bureau de vote.

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À Sébastopol, qui abrite la flotte russe de la mer Noire depuis plus de 200 ans, Aleftina Klimova, née en Russie, a eu du mal à dormir. "Je m’attendais à ce que les États-Unis, la France, eux tous, soient contre. Je craignais pour (le président russe Vladimir) Poutine. Mais il a su résister. Je n’ai pas dormi de la nuit, j’ai attendu ce moment et tout va comme je le voulais", a-t-elle poursuivi.

"Attendu depuis des années"

Une autre femme n’a cessé d’agiter fébrilement un petit drapeau russe en quittant le bureau de vote. À Bakhtchissaraï, la principale ville de la communauté musulmane tatare de la Crimée, dont les leaders avaient appelé au boycottage du scrutin, les reporters ont remarqué que seuls les Ukrainiens d’origine russes venaient voter. "Nous avons attendu ce moment depuis des années", a dit un septuagénaire, Ivan Konstantinovitch, qui a levé les bras en signe de victoire après avoir voté à Bakhtchissaraï. "Tout le monde va voter pour la Russie", a-t-il affirmé.

Dans une péninsule majoritairement peuplée de Russes, rattachée en 1954 sur décision de Nikita Khrouchtchev à une Ukraine qui a toujours semblé lointaine à de nombreux habitants, une large majorité va certainement se prononcer en faveur d’une union formelle avec la Fédération de Russie, d’autant plus que les minorités ukrainienne et tatare, qui constituent ensemble 37% de la population, ont appelé au boycottage. Un dernier appel au boycottage a été lancé aussi dans la nuit de samedi à dimanche par le président par intérim ukrainien Olexandre Tourtchinov.

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Dénonçant dans un communiqué un "prétendu référendum que le pseudo-pouvoir fantoche de la Crimée organise sous le contrôle des troupes russes", M. Tourtchinov a affirmé que ses résultats "ne refléteraient pas les vrais sentiments de la population" en Crimée. "Le Kremlin en avait besoin pour faire entrer officiellement ses forces armées sur nos terres et commencer une guerre qui ruinera les vies humaines et les perspectives économiques de la Crimée", a-t-il ajouté.

Blindés russes

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La question posée donne aux électeurs le choix entre "la réunification avec la Russie comme membre de la Fédération de Russie" ou le retour à un statut, datant de 1992 et jamais appliqué, d’autonomie élargie vis-à-vis de Kiev. Les autorités sécessionnistes sont arrivées au pouvoir à Simféropol après la destitution à Kiev, le 22 février, du président pro-russe Viktor Ianoukovitch et à la faveur d’un coup de force monté par des civils pro-russes en armes et des milliers de soldats russes.

Venus de la base maritime de Sébastopol, à la pointe sud de la péninsule, louée par l’Ukraine à la Flotte russe de la mer Noire, puis entrés en Crimée en colonnes blindées depuis le territoire russe, ils assiègent dans les bases militaires et les lieux stratégiques de la péninsule les soldats ukrainiens restés fidèles aux autorités de Kiev.

Crise diplomatique

De nombreux responsables internationaux, dont le secrétaire d’Etat américain John Kerry, ont qualifié le référendum "d’illégitime" sur un territoire occupé par une armée étrangère. Ils ont averti que son résultat ne serait pas reconnu internationalement et assuré que Moscou devrait faire face à des sanctions, notamment de la part des Etats-Unis et de l’Union Européenne.

La Chine, qui s’est abstenue lors du vote au Conseil de sécurité de l’Onu sur une résolution condamnant le référendum en Crimée – alors qu’elle s’aligne d’habitude sur la Russie – a indiqué qu’elle voulait "éviter l’escalade des tensions".

Le bras de fer entre Moscou et Washington a viré à la pire crise diplomatique entre Russes et Occidentaux depuis la chute de l’URSS en 1991 et pourrait très durablement affecter les relations entre les grandes puissances.

Au-delà de l’avenir de la Crimée au sein de l’Ukraine ou de la Russie, la crise a réveillé les séparatismes dans les bastions russophones et industriels de l’est du pays. Et le déploiement de troupes russes aux frontières au nom d’exercices militaires doublé des discours à Moscou sur la nécessité de "protéger" les communautés russophones éveillent la crainte de nombreux Ukrainiens qui sont persuadés, malgré les dénégations de la diplomatie russe, que l’armée russe va marcher sur Kiev.

Les premiers résultats préliminaires doivent être annoncés après la clôture des bureaux de vote à 20H00 (18H00 GMT). Mais à Sébastopol, des drapeaux russes étaient déjà distribués dans les rues. À Simféropol, l’annonce lumineuse "Nous sommes en Russie" était projetée sur un bâtiment officiel.

Les résultats définitifs sont attendus dans la matinée de lundi.

(AFP)

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