Mali, Burkina, Niger… Quand l’État français veut « punir » les artistes sahéliens

Le gouvernement français a demandé aux acteurs culturels hexagonaux de ne plus lancer de nouvelles invitations aux artistes nigériens, maliens et burkinabè. Face à la levée de boucliers, le ministère a rétropédalé… Partiellement.

© Damien Glez

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Publié le 15 septembre 2023 Lecture : 2 minutes.

Dans la guéguerre diplomatique que se livrent les régimes putschistes tancés du Sahel et une Macronie manifestement chiffonnée, les décisions quotidiennes semblent parfois relever d’une bagarre de cour d’école. Les accusations des uns se mijotent au « piment garçon », tandis que le ton de l’autre prend les airs ampoulés d’un acteur de la Comédie française. Sur la mélodie du « Et toc ! », l’ambiance conduit à quelques mesures redondantes et contre-productives.

Le 13 septembre, c’est le monde de la culture qui entrait en ébullition. Adressé aux acteurs culturels français subventionnés – comme les centres dramatiques et chorégraphiques nationaux, et les scènes nationales –, un mail des directions françaises des Affaires culturelles demandait de suspendre « sans délai et sans aucune exception » tous les projets de coopération menés « avec des institutions ou des ressortissants » du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Une interruption induite de la suspension, « jusqu’à nouvel ordre, de toute coopération » avec les pays concernés, également dans les secteurs non culturels. Une nouvelle décision qui elle-même induit qu’« aucune invitation de tout ressortissant de ces pays » ne peut être lancée…

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Boycott des griots

Cette enfonçage de clou n’est-il pas redondant avec la décision déjà effective, depuis des semaines, de ne plus délivrer de visas aux ressortissants de ces pays sahéliens dirigés par des juntes militaires, même si un visa Schengen peut être obtenu auprès d’une tierce chancellerie ? S’agirait-il de surexposer un muscle déjà bandé ?

De surcroît, cette nouvelle décision française n’est-elle pas contre-productive ? Face à des régimes présumés ou jugés liberticides, la règle diplomatique n’est-elle pas de miser sur le maintien – voire le renforcement – des liens avec les intellectuels et représentants du monde artistique des pays concernés ? Libre aux politiciens de la culture de distiller alors discrètement l’appel au boycott de tel griot anti-français ou l’appétence pour tel rappeur engagé auprès des mouvements démocratiques. Les artistes ont des audiences irascibles. À l’inverse, ils établissent un pont avec des sociétés civiles volontiers french-friendly.

Avec cette consigne de ne plus lancer de nouvelles invitations aux artistes maliens, burkinabè et nigériens, le gouvernement français a même pris le risque de se mettre à dos son propre tissu culturel, friand de métissage artistique. Dans un communiqué de presse, le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) demande la tenue d’une « réunion immédiate avec le ministère des Affaires étrangères » afin que « les arguments des professionnels soient écoutés et que la solidarité de la France à l’égard des artistes soit affirmée avec force ». Il s’étonne du « ton comminatoire » d’une mesure gouvernementale « inédite » et s’interroge gravement sur la « politique culturelle internationale ».

Il n’aura finalement fallu que quelques heures pour que, face à la bronca, le gouvernement français finisse par rétropédaler… Mais fort partiellement. La « punition » ne concernera que les projets futurs, et non ceux déjà enclenchés. Comprenne qui pourra.

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