Génocide rwandais : dernière ligne droite dans le procès de Pascal Simbikangwa, qui nie toujours
Le premier procès en France lié au génocide de 1994 au Rwanda entre lundi dans sa dernière semaine avec un accusé, Pascal Simbikangwa, qui affirme toujours avoir traversé ces 100 jours où 800.000 personnes ont été massacrées sans voir un seul cadavre.
Ex-officier de la garde présidentielle rwandaise, cloué dans un fauteuil roulant depuis 1986, il est accusé d’avoir incité à ériger des barrières où étaient filtrés les Tutsi et d’avoir distribué des armes à des miliciens hutu qui les tenaient, à Kigali et dans sa région d’origine de Gisenyi (nord-ouest).
Après cinq semaines de débats, dont deux consacrées aux témoins directs, le capitaine Simbikangwa apparaît comme un homme qui minimise systématiquement sa propre importance, toujours persuadé que les responsabilités du drame rwandais sont partagées entre "extrémistes" de tous bords et qu’un "double génocide" a eu lieu – référence, considérée comme révisionniste par de nombreux historiens, aux massacres de Hutu commis par la rébellion tutsi arrivée au pouvoir en mettant un terme au génocide.
Surtout, seul contre tous, il affirme avoir traversé les 100 jours de massacres d’avril à juillet 1994 sans voir un mort. Bien sûr, "j’en ai entendu parler, mais je n’en ai pas vu", répète-t-il inlassablement, arguant par exemple que son handicap le contraignait à voyager "un petit peu allongé" en voiture. Il veut donner l’image d’un homme qui passa son temps à essayer de sauver des Tutsi réfugiés chez lui.
Et il n’est pas contesté qu’il en ait sauvé, de "ses" Tutsi, voisins ou amis, même si le nombre est débattu. Plusieurs d’entre eux sont venus devant la cour d’assises de Paris l’en remercier, même si certains ont pris soin de souligner que d’autres gens les avaient sauvés à d’autres moments. C’est paradoxalement leurs témoignages qui lui auront fait le plus mal. Quand certains témoins venus de Kigali ou interrogés par visioconférence paraissaient formatés ou pour certains en attente d’une décision de justice sur leur propre sort, les protégés du capitaine, eux, l’ont vu de l’intérieur.
Cent jours "en enfer"
Ils l’ont vu sortir régulièrement, afficher son autorité aux barrières où les miliciens le laissaient passer, maudire les "inyenzi" (cancrelats comme les extrémistes hutu désignaient alors les Tutsi) en écoutant Radio mille collines, faire plusieurs allers-retours vers Gisenyi, stocker des armes chez lui et les distribuer.
L’un d’eux, Pascal Gahamanyi, qui avait alors 18 ans, est même resté dans son sillage tout du long, lui servant à l’occasion de chauffeur, jusqu’à la fuite finale au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo) dans le flot de centaines de milliers de réfugiés hutu auxquels se mêlaient les responsables du régime génocidaire en déroute. S’il reconnaît que l’accusé l’a sauvé, il a surtout le souvenir de longues semaines "en enfer".
Mais dès qu’un témoignage lui est défavorable, Pascal Simbikangwa a une explication. Le témoin est "sous pression", "effrayé" ou "manipulé" par Ibuka, l’association rwandaise des rescapés du génocide, ou le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), dont la plainte contre lui après son arrestation dans l’île française de Mayotte en 2008 a débouché sur ce procès historique, tenu au nom de la "compétence universelle" pour les crimes contre l’humanité.
L’accusation, au contraire, estime que les débats ont permis de montrer une forte implication du capitaine Simbikangwa et annoncé qu’elle allait demander qu’il soit bien jugé pour "crime de génocide" et non pour simple "complicité" comme l’avaient décidé les juges d’instruction. "Celui qui fait commettre n’est pas un complice mais bien un auteur", a lancé l’avocat général Bruno Sturlese. Dans les deux cas, l’accusé risque la perpétuité. Après les avocats des parties civiles – cinq ONG mais aucune victime directe -, l’accusation devrait faire son réquisitoire mercredi et la défense plaider jeudi pour un verdict attendu vendredi, après les dernier mots de l’accusé.
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