Félix Tshisekedi et Stanis Bujakera Tshiamala : le président interpellé à New York

Le chef de l’État congolais avait convié la presse à un déjeuner en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Les discussions ont porté sur les liens avec les États-Unis, le Rwanda, mais aussi sur Stanis Bujakera Tshiamala, notre collaborateur en détention.

Le président Félix Tshisekedi est candidat pour un deuxième mandat à la présidentielle du 20 décembre 2023. Ici, en interview à Kinshasa le 13 décembre 2019. © Robert Carruba pour JA

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Publié le 20 septembre 2023 Lecture : 4 minutes.

« Stanis Bujakera, c’est un jeune homme que j’aime bien. Pour la petite histoire, il a couvert notre campagne électorale, il était de tous les combats avec nous, j’ai de la sympathie pour [lui], je regrette ce qui lui arrive, mais je ne peux pas faire entrave à la justice et ne pas lui permettre de faire toute la lumière. »

En déjeuner face à la presse, en marge de la 78e Assemblée générale des Nations unies à New York, Félix Tshisekedi a été interpellé par plusieurs journalistes sur le sort de leur confrère, Stanis Bujakera Tshiamala. Le Congolais, collaborateur de Jeune Afrique, a été interpellé le 8 septembre et transféré le 14 à la prison de Makala.

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« Il y aurait un risque qu’il cherche à effacer des preuves »

Pourquoi la libération provisoire de notre journaliste a-t-elle été rejetée par la justice ? « Il y aurait un risque qu’il cherche à effacer des preuves », assure une source dans l’entourage du président à Jeune Afrique. Le chef de l’État avait un peu plus tôt réitéré son attachement au principe de séparation des pouvoirs. « Je ne me mêle pas de ce qu’il se passe avec la justice. Évidemment, comme le dit la Constitution, je suis le magistrat suprême. Sans juger, je peux m’enquérir de certaines situations sans m’immiscer dans les affaires de la justice, surtout lorsque cela suscite des polémiques. »

Il a également balayé toute coloration politique que pourrait revêtir ce dossier. « Je voudrais ici souligner que jamais, jamais, je ne serai le fossoyeur, l’assassin de mes compatriotes. Je suis venu à la tête de ce pays pour promouvoir les droits et les libertés de mes concitoyens. […] Je suis moi-même issu d’un mouvement politique qui a énormément souffert de la dictature, de violences, d’arrestations arbitraires. J’en connais les horreurs, je ne peux pas le souhaiter pour un compatriote », a-t-il martelé depuis New York face à la presse congolaise et internationale.

Accusé de « propagation de faux bruits » et de « diffusion de fausses nouvelles », Stanis Bujakera Tshiamala est pourtant toujours incarcéré à la prison de Makala, à Kinshasa. Il est mis en cause en raison d’un article publié sur notre site le 31 août et qui ne porte pas sa signature, mais celle de Jeune Afrique. Dans l’entourage du président, on assure pourtant que le journaliste n’est pas poursuivi pour ce contenu mais pour avoir diffusé un document imputé à l’Agence nationale de renseignement (ANR), lequel serait, selon les autorités qui n’en ont jusqu’ici pas apporté la preuve, un faux.

Un coupable : le Rwanda

Le sujet est d’autant plus sensible, a affirmé Félix Tshisekedi, « que l’on parle de la mort d’un homme, Chérubin Okende, ancien ministre qui a été mon collaborateur pendant longtemps, très apprécié d’ailleurs. Il est mort dans des circonstances suspectes, qui jusqu’à aujourd’hui ne sont pas encore élucidées, malgré notre recours à des enquêteurs internationaux, belges, sud-africains, français ». Le président a ajouté que cette affaire risquait « de désorienter l’enquête et l’opinion ».

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Il a assuré veiller à ce que « les droits »[des individus interpellés] soient respectés ». Renouvelant son attachement au « quatrième pouvoir », le Congolais a rappelé n’avoir « raté aucune célébration de la journée mondiale de la presse » depuis son accession à la tête du pays. Il a également jugé que sa politique « vis-à-vis de la liberté de la presse a[vait] permis de gagner en quatre ans, trente places au classement de Reporters sans frontières, une association de crédibilité internationale ».

C’est pourtant cette même association qui réclame aujourd’hui, tout comme le groupe Jeune Afrique, la libération de Stanis Bujakera Tshiamala. RSF a également indiqué avoir saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies et « appelle les autorités [de RDC] à cesser le harcèlement des reporters à trois mois des élections »

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Excluant toute immixtion de l’État dans les affaires de la Justice, Félix Tshisekedi a toutefois déploré « les violations dont sont victimes les journalistes à l’est du pays à cause de la guerre », violations sans lesquelles le président congolais s’est dit convaincu que la RDC aurait « fait un bond encore plus impressionnant » dans le classement de Reporters sans frontières. Le président a alors ouvertement mis en cause la responsabilité de son voisin rwandais, responsable selon lui des maux de la presse congolaise constatés ces derniers mois.

«  Nous sommes dans une situation de guerre, qui nous a été imposée par notre voisin, le Rwanda », a-t-il déclaré. Alors que les chefs d’État rwandais et congolais doivent s’exprimer ce mercredi 20 septembre à la tribune des Nations unies, les deux pays sont à couteaux tirés. Au sujet du conflit qui fait rage dans l’est du pays, mené par les rebelles du M23, Félix Tshisekedi a rejeté toute possibilité de dialogue : « Le M23 est un groupe criminel entraîné dans une aventure criminelle amenée par le président Paul Kagame. Pour cela, il n’y aura jamais de négociation avec eux. »

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