Génocide rwandais : à Kesho, Simbikangwa est connu pour sa violence
Autour de la colline de Kesho, où environ 1.400 Tutsi ont été assassinés le 8 avril 1994, des rescapés se souviennent de Pascal Simbikangwa, premier Rwandais jugé en France pour le génocide de 1994, comme d’un homme violent avec les Tutsi bien avant les massacres.
Pascal Simbikangwa est né et a grandi aux environs de cette colline verdoyante située dans l’ex-préfecture de Gisenyi, dans le nord-ouest du Rwanda, fief du président hutu Juvénal Habyarimana, dont l’assassinat le 6 avril 1994 dans des circonstances non encore éclaircies déclencha le génocide contre les Tutsi.
M. Simbikanga y possédait une propriété, où il se rendait régulièrement avant le génocide qui a fait environ 800.000 morts. Il a laissé le souvenir d’un homme vouant déjà une haine aux Tutsi et inspirant la peur, bien que, paraplégique, il soit cloué dans un fauteuil roulant depuis 1986.
"Il avait une ferme près d’ici", se souvient Samuel Havugimana, agriculteur de 41 ans rescapé du massacre de Kesho. "Les gardiens de vaches (de sa ferme) étaient des Tusti de la région, il (…) passait sa journée à les frapper".
Selon Gérard Makuza, responsable local de l’association de rescapés Ibuka, "c’était quelqu’un qui faisait peur (…) Quand il venait dans sa ferme, personne n’osait le regarder. Tout le monde tremblait".
Officier de l’armée rwandaise sous le régime hutu, Pascal Simbikangwa est décrit comme tout-puissant et impitoyable dès avant le génocide.
Ossements
Jean, 53 ans, dit avoir été interrogé en 1990 à Kigali par Pascal Simbikangwa, alors membre des renseignements militaires. Simbikangwa "m’a donné une gifle (…) Pour me gifler il m’avait fait mettre à genoux parce qu’il était dans un fauteuil roulant (…) A chaque fois qu’il te frappait, tu devais te mettre à genoux ou te coucher".
"Il avait la réputation de quelqu’un au-dessus des lois, qui faisait ce qu’il voulait", a-t-il expliqué à l’AFP.
Simbikangwa, qui nie l’ensemble des accusations portées contre lui, va être jugé à partir du 4 février devant la cour d’assises de Paris pour complicité de génocide à Kigali et autour de Gisenyi.
Il est accusé d’avoir fourni armes, instructions et encouragements aux miliciens hutu Interahamwe qui y tenaient les barrages et exécutaient les Tutsi – hommes, femmes et enfants – qui s’y présentaient.
Mais il ne sera pas jugé pour le massacre du 8 avril 1994 à Kesho, pour lequel il a bénéficié d’un non-lieu. Pour les juges d’instruction français, la "fragilité" et le caractère "tardif" des témoignages "comportant des contradictions" créent un "réel doute" sur sa présence au bas de la colline ce jour-là.
Makuza et Havugimina, qui ont tous deux affirmé aux juges français l’avoir vu organiser la tuerie, le regrettent.
"Dans ma famille, nous étions 32. Seuls mon frère et moi avons survécu" au massacre, explique Samuel Havugimana.
Il voudrait que Pascal Simbikangwa soit remis au Rwanda et y "soit jugé pour ce qu’il a fait sur la colline" sur laquelle, dès la mort d’Habyarimana, plus de 1.500 Tutsi avaient trouvé refuge, comme ils avaient coutume de le faire à chaque épisode de tension ou de violence avec leurs voisins hutu, majoritaires au Rwanda.
Mémorial
Le 8 avril, arrivés sur les lieux, des "militaires ont commencé à tirer (…) sur la colline", a raconté à l’AFP Gérard Makuza, seul rescapé d’une famille de 27 personnes. Au sommet, "il y avait une église. Les femmes, les enfants et les vieux avaient pris l’habitude de s’y réfugier lorsque les villageois nous attaquaient", se souvient Havugimana.
"Mais ce jour-là, c’étaient des militaires, des policiers et des Interahamwe" qui attaquaient et aucun de ceux réfugiés dans l’église n’a survécu, poursuit-il. Nombre de ceux qui parviendront à s’enfuir seront massacrés dans la forêt environnante au cours des semaines suivantes.
A la place de l’église, incendiée ce jour-là, s’élève désormais un mémorial, petit kiosque de béton et de tôle, entouré de plantations de thé.
Au sous-sol, 12 cercueils recouverts d’un drap violet, couleur du deuil, renferment les ossements des victimes. Sur une étagère s’entassent des centaines de vêtements.
"Cela aurait été bien que le massacre de Kesho soit aussi dans le dossier", regrette Naphtal Ahishakiye, secrétaire général de l’association Ibuka, qui salue néanmoins ce premier procès en France, 20 ans après le génocide: "Si l’on commence par lui, cela veut dire que d’autres pourront peut-être suivre".
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