Bras de fer entre Dakar et Moscou autour d’un navire de pêche russe

Dakar affiche sa fermeté face à Moscou dans l’affaire d’un navire industriel russe arraisonné pour pêche illicite, ignorant depuis deux semaines les demandes pressantes de la Russie qui exige sa remise en circulation.

Le chalutier russe Oleg Naydenov dans le port de Dakar, le 5 janvier 2014. © AFP

Le chalutier russe Oleg Naydenov dans le port de Dakar, le 5 janvier 2014. © AFP

Publié le 19 janvier 2014 Lecture : 4 minutes.

Au cœur de cette affaire qui a provoqué de vifs échanges entre Dakar et Moscou, un influent défenseur sénégalais de l’environnement devenu ministre de la Pêche, Haïdar El Ali, n’entend pas jeter l’éponge de sitôt. "Nous allons totalement appliquer (la loi) pour protéger nos ressources", a déclaré-t-il, décrivant la pêche illicite comme une "énorme cause de dommage pour l’économie et la sécurité alimentaire" avec des pertes estimées à 150 milliards de FCFA (près de 228,7 millions d’euros) par an. Toutefois, a-t-il souligné, c’est "un problème d’un bateau privé. On n’a pas de problème avec le gouvernement russe".

Le Sénégal a arraisonné, le Oleg Neydanov – long de 120 m – vers la frontière avec la Guinée-Bissau, dans le sud du Sénégal, le 4 janvier, car il pêchait "illégalement" dans les eaux sénégalaises, selon les autorités. Escorté jusqu’à Dakar, le bateau a été placé sous la surveillance de l’armée et de la gendarmerie.

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Selon la presse russe, le bateau, qui appartient à une société baptisée Phoenix enregistrée à Mourmansk (nord-ouest de la Russie), avait à son bord 62 Russes et 20 Bissau-Guinéens lorsqu’il a été arraisonné. Prenant la défense de l’armateur privé, l’Agence fédérale russe de la pêche a rejeté les accusations du Sénégal mais ses représentants ont engagé des négociations avec les autorités sénégalaises.

Le Sénégal réclame le payement d’une amende

Côté russe, le ministère des Affaires étrangères exige la libération de l’équipage et la levée du séquestre sur le navire, sans se prononcer sur les accusations de pêche illicite. Or, selon Dakar, "l’Oleg Neydanov est un multirécidiviste". "Nous avons demandé le payement d’une amende de 400 millions de FCFA" [près de 610 000 euros] et le Sénégal est aussi autorisé à saisir l’engin de pêche et la cargaison, a ajouté M. El-Ali.

Selon lui, le navire "a par devers lui 1 000 tonnes de poissons qui valent 1,5 milliard de FCFA (près de 2,3 millions d’euros) au minimum". Le Sénégal, a-t-il souligné, a proposé une négociation globale. Dakar a demandé une "amende d’un milliard de FCFA (environ 1,5 million d’euro) pour compenser les pertes du Sénégal pour le Oleg Neydanov et une amende de 500 millions de FCFA (plus de 762. 000 euros)" pour un autre bateau russe accusé de pêche illégale dans les eaux sénégalaises, "le Kapitan Bogomolov qui, lui, est en fuite".

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Cependant, a-t-il précisé, les marins ne sont ni séquestrés, ni emprisonnés, "ils sont à bord du bateau mais ils sont libres" de rentrer chez eux. Et ils sont en bonne santé, selon deux médecins qui leur ont rendu visite.

Une source sénégalaise proche du dossier estime que les marins n’oseraient pas quitter le bateau par crainte de perdre leurs paies ou de ne pouvoir rentrer chez eux.

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La Guinée-Bissau demande des "explications"

De son côté, la Guinée-Bissau, qui partage avec le Sénégal une zone maritime commune et affirme avoir délivré au bateau russe une licence de pêche, a exigé de Dakar "des explications" sur l’arraisonnement.

"Depuis le début de cette affaire, je communique avec mon homologue de la Guinée-Bissau, (. . . ) nous sommes en parfaite intelligence", a assuré Haïdar El-Ali. Il a par ailleurs balayé les allégations de médias russes le présentant comme un militant de Greenpeace : "Ça, c’est n’importe quoi. Je suis content que des ONG comme Greenpeace, Sea Shepherd viennent assister la direction de la pêche dans le cadre des enquêtes, des études, des recensements mais je ne suis membre ni de l’une, ni de l’autre".

Après son élection en mars 2012, le président sénégalais, Macky Sall, a invité dans son gouvernement Haïdar El-Ali, écologiste de renom qui lutte depuis plusieurs années pour la sauvegarde de l’environnement marin au Sénégal, où plusieurs espèces halieutiques sont surexploitées et menacées d’extinction notamment à cause du pillage des eaux par des navires étrangers.

La pêche, important pourvoyeur de recettes au Sénégal, a contribué en 2011 pour près de 12,5% aux recettes d’exportation. Elle occupe 17% de la population active, soit près de 600. 000 personnes, d’après des chiffres officiels. Le président Sall a annulé des autorisations de pêche accordées par le régime de son prédécesseur Abdoulaye Wade à une vingtaine de navires étrangers décriés à la fois par les Sénégalais et des ONG dont Greenpeace. Signe de l’importance cruciale de la pêché aux yeux des Sénégalais, le président Sall a renouvelé jeudi sa confiance à M. El-Ali auquel il demandé de lui soumettre rapidement une nouvelle législation sur la pêche "beaucoup plus stricte à l’encontre des bateaux pirates".

>> Lire aussi Sénégal : Haïdar El Ali s’allie à Sea Shepherd pour lutter contre la pêche illégale.

(AFP)

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