Centrafrique : à Bangui, forces française et africaine patrouillent ensemble
Lentement, deux colonnes d’hommes à pied progressent dans le quartier Castor de Bangui, bien armés mais surtout bien formés : c’est le contingent burundais de la force africaine qui ce jour-là patrouille aux côtés des Français de la mission Sangaris en Centrafrique.
Au poing levé de la tête de colonne, les soldats répondent en posant un genou à terre, l’arme dirigée vers les ruelles des quartiers bordant la route, puis reprennent leur progression tantôt lentement, tantôt à petites foulées, chacun assurant la protection de celui qui le précède. Un peu surpris, un couple en train de déjeuner dans un petit bar en bord de route regarde d’un oeil mi-amusé mi-inquiet les soldats qui passent. Mais à Bangui, il faut plus que des hommes en armes pour troubler les populations.
C’est le milieu de l’après-midi et le soleil frappe violemment sur les casques lourds. "Quand on pense aux armées africaines, on imagine des soldats en guenilles, mais là, on est bluffés", commente un soldat français de la patrouille mixte. Comme lui, de nombreux hommes de Sangaris montrent un respect particulier a l’égard des soldats burundais qui, contrairement à d’autres, arrivent à se faire accepter dans tous les quartiers de la capitale.
De plus en plus, les Français, dont la mission est notamment d’appuyer les hommes de la Mission de soutien à la Centrafrique (Misca) patrouillent avec eux, tout comme avec les contingents congolais ou tchadiens.
La France soupçonnée
Il faut dire que dans certains quartiers, notamment musulmans, la France, soupçonnée par les riverains de "prendre partie" en faveur des milices chrétiennes anti-balakas, n’est pas franchement la bienvenue. "Certains (musulmans) sont clairement hostiles dans leurs mots et dans leurs gestes", explique le caporal Bastien, qui patrouille de son côté en compagnie des Tchadiens, avec une unité du 21e régiment d’infanterie de marine (RIMA).
Pour lui, le fait de se montrer avec des militaires en majorité musulmans peut permettre de faire "retomber la tension". "Oui c’est gagnant-gagnant", souligne de son coté un officier de la force Sangaris, "dans le sens où les chrétiens ont moins peur de voir l’armée tchadienne (soupçonnée d’être de connivence avec l’ex-rébellion Séléka au pouvoir) si elle est à nos côtés, et les musulmans ont moins peur de nous voir si nous sommes aux leurs".
Les jours précédents, les tentatives françaises de prendre position la nuit au "PK5", quartier musulman particulièrement violent, se sont soldées par des prises à partie brutales et la mise en place de barricades enflammées par les populations. La multiplicité des acteurs dans le drame que vit Bangui et la difficulté de coordination d’une force multinationale n’arrange pas les choses pour calmer "rapidement" le jeu dans la capitale centrafricaine. Mais petit à petit, la France et la Misca semblent vouloir jouer la partie en commun.
Au point "0", le centre ville, la patrouille conjointe des lieutenants français Valentin et tchadien Mahamat fait une courte pause. Comme souvent, des hordes d’enfants des rues abordent les militaires qui descendent de leurs pick-up, appelant les hommes par leurs grades qu’ils arrivent à reconnaître. Dans l’agitation du quartier, une colonne de véhicules passe. Pour une fois ce n’est pas un convoi de blindés, mais quelques taxis et motos décorés, klaxonnant à tout va et des fenêtres desquelles les Banguissois agitent les mains: c’est un mariage, qui ferait presque oublier la crise, ou du moins rêver d’un avenir meilleur.
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