En RDC, l’enquête sur la mort de Chérubin Okende patine et sa famille s’impatiente

L’ancien ministre des Transports a été assassiné il y a plus de deux mois, sans que les enquêtes officielles aient pour l’instant permis d’établir de claires responsabilités. Ses proches demandent à être reçus par Félix Tshisekedi.

Chérubin Okende participe à une manifestation de l’opposition congolaise à Kinshasa, le 11 mars 2023. © Samy Ntumba Shambuyi/AP/SIPA

Publié le 29 septembre 2023 Lecture : 3 minutes.

C’est le 13 juillet dernier que le corps criblé de balles de Chérubin Okende a été découvert dans son véhicule, stationné le long de l’avenue des Poids-lourds, à Kinshasa. La veille, son parti, Ensemble pour la République, dirigé par l’opposant Moïse Katumbi, s’était inquiété de sa disparition et avait dénoncé un probable « enlèvement ».

Face à l’émoi suscité par cet assassinat, le gouvernement a promis une enquête indépendante – engagement plusieurs fois réitéré publiquement. Il a même fait appel à des enquêteurs sud-africains, belges et onusiens pour appuyer ses propres agents.

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Mardi 26 septembre, souhaitant savoir où en étaient les investigations, la veuve et le père de Chérubin Okende ont rencontré le ministre congolais de l’Intérieur, Peter Kazadi. Selon un de leurs avocats, Me Laurent Onyemba, celui-ci les a assurés de la « ferme volonté du gouvernement de faire la lumière sur cette affaire ». Ils ont également demandé à être reçus par le président Félix Tshisekedi.

Pas de résultats de l’autopsie

Car plus de deux mois après les faits, l’enquête traîne en longueur. Deux hommes, Nico Kabunda Ntambi et Papy Ngaka, le garde du corps et le chauffeur de Chérubin Okende, ont certes été arrêtés. Ils se trouvent depuis dans les locaux du commissariat provincial de Kinshasa, où ils sont détenus dans des « conditions précaires », selon un membre de l’une de leur famille. Mais aucun suspect n’a été identifié par les enquêteurs. Les résultats de l’autopsie, réalisée le 3 août dernier à l’hôpital du Cinquantenaire où est conservé le corps du défunt, n’ont pas non plus été communiqués.

Une absence de progrès que regrettent les proches de Chérubin Okende, lesquels ont demandé au procureur, fin août, que la dépouille leur soit restituée afin que des obsèques puissent être organisées. Ont-il depuis changé d’avis ? « Enterrer Chérubin aujourd’hui, ce serait faire une faveur à l’assassin, explique Me Onyemba. Si les résultats de l’enquête ou de l’autopsie devaient être contestés, il n’y aurait pas de possibilité d’exhumer le corps pour procéder à un nouvel examen. »

Le 19 septembre dernier, l’avocat a également co-signé, au nom de la famille, une lettre destinée au procureur dans laquelle celle-ci se dit « inquiète que certaines pistes qui devraient être exploitées fassent l’objet de sorties médiatiques des autorités politiques dans le but de les discréditer ».

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Détention arbitraire de Stanis Bujakera Tshiamala

Une référence directe à un article publié le 31 août sur le site de Jeune Afrique, évoquant un document interne attribué à l’Agence nationale de renseignements (ANR), lequel retraçait les circonstances de l’assassinat de Chérubin Okende et mettait en cause les renseignements militaires.

Les autorités congolaises ont contesté l’authenticité de ce document. Le 8 septembre, Peter Kazadi a fait parvenir à Jeune Afrique un courrier dans lequel il exprimait ses regrets de voir qu’un « document au contenu fallacieux » ait été relayé.

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Quelques heures plus tôt, notre correspondant en RDC Stanis Bujakera Tshiamala avait été arrêté à l’aéroport de N’Djili. Placé depuis en détention préventive et transféré, le 14 septembre, à la prison centrale de Makala, Stanis Bujakera Tshiamala est désormais accusé de « propagation de faux bruits » et de « diffusion de fausses informations ». Il a plusieurs fois été questionné sur le contenu de l’article du 31 août – lequel ne portait pas sa signature.

Lenteur de l’enquête

« Le silence et la lenteur s’inscrivent-ils dans la logique de rendre ces enquêtes indéterminées, indéfinies voire impossibles dans un dossier considéré comme sensible ? », s’interroge Me Onyemba dans le courrier du 19 septembre. S’adressant au procureur, il ajoute : « Au cours de notre dernier entretien, ces résultats [de l’autopsie] étaient imminents et il ne [manquait] que ceux des experts de la Monusco. […] Où en sommes-nous à ce jour ? »

Au lendemain de la découverte du corps de Chérubin Okende, Félix Tshisekedi avait promis en conseil des ministres que « ce crime ne demeurera point impuni ». Il avait alors appelé, « au nom du peuple congolais », la justice « à faire toute la lumière sur cette ignoble affaire ».

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