Le dollar, un héritage remis en question à Djibouti

À mesure que Djibouti se développe, se pose la question de la dollarisation de son économie, le franc djiboutien étant arrimé au dollar depuis l’indépendance. Le pays pourrait-t-il bientôt établir sa propre politique monétaire ?

 © DOM pour JA

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  • Olivier Caslin

    Spécialiste des transports et des questions économiques multilatérales. Il suit également l’actualité du Burundi, de Djibouti et de Maurice.

Publié le 23 novembre 2023 Lecture : 2 minutes.

Devant la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ), en juillet 2018. © YASUYOSHI CHIBA/AFP.
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Vingt-et-un pays à travers le monde ont fait le choix d’arrimer leur monnaie au dollar américain avec un taux de change fixe. Deux d’entre eux sont africains, l’Érythrée, dont le nafka équivaut à 100 cents depuis 1997, et Djibouti, dont la devise s’échange invariablement depuis 1973 à hauteur de 177,70 francs djiboutiens pour 1 dollar. Une décision qui date même de 1949, quand le pays s’appelait encore Côte française des Somalis. Son destin et son économie sont alors franchement liés à ceux de la métropole et de son franc français, qui tous deux sortent très affaiblis de la guerre.

Alors quand la question monétaire se pose pour cette colonie isolée du francs CFA et dont l’économie tourne au rythme des navires marchands qui y font escale, Paris se rend à l’évidence et fait du dollar américain – sur lequel sont également établies les économies voisines de l’Éthiopie et du Yémen –, la monnaie étalon du tout neuf franc djiboutien.

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Effet stabilisateur

Ce choix n’a depuis jamais été remis en cause dans la République indépendante de Djibouti, laquelle conserve aujourd’hui encore l’héritage monétaire de l’ancien colonisateur. Elle semble même devoir s’en féliciter. La devise nationale a certes bien dû s’adapter à certains soubresauts de l’histoire, passant d’un cours d’origine de 214 francs djiboutiens pour un dollar, à 197 francs djiboutiens en 1971, avant de trouver son niveau actuel, deux ans plus tard, mais « la dollarisation a permis au pays d’éviter de nombreux chocs politiques et économiques », assure un cadre de la Banque centrale.

Cet effet stabilisateur pour l’économie djiboutienne comme pour le pouvoir d’achat de la population s’est une nouvelle fois confirmé avec la guerre en Ukraine, en lissant l’inflation à moins de 3 % sur la durée. Pour conserver son train de vie, dans une économie avant tout importatrice, « Djibouti a besoin d’une monnaie forte », assure l’expert de la Banque centrale. Une assurance tous risques qui plaît aussi aux investisseurs étrangers, mais que le pays paye cher puisque la parité fixe l’ampute des leviers nécessaires à une véritable politique monétaire.

Vers un marché financier domestique ?

« Djibouti peut émettre des francs en fonction du dollar, mais ne peut pas créer de monnaie », précise-t-on à la Banque centrale. Un handicap certain lorsque l’on a l’ambition de devenir une place financière internationale. D’autant plus que l’économie djiboutienne a elle-même beaucoup changé, avec un PIB multiplié par cinq en vingt ans pour atteindre aujourd’hui les 3,4 milliards de dollars. Les nombreuses infrastructures qui ont vu le jour ces dix dernières années ne créent pas directement de richesse mais permettent à ceux qui les utilisent d’en créer, pour faire entrer progressivement le pays « dans une économie de production », comme disent les spécialistes djiboutiens.

Pour accompagner le processus et soutenir les initiatives du secteur privé, la Banque centrale réfléchit donc justement à un système qui permettrait au pays d’être « plus actif sur la question monétaire », avec pour objectif, à terme, de mettre en place un marché financier domestique. Avant de penser, plus tard, pouvoir créer de la monnaie. Conséquence logique du développement en cours qui, pour être inclusif, obligera peut-être un jour le pays à s’interroger sur la pertinence de la dollarisation de son économie sur un plus long terme.

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