Soudan du Sud : l’armée marche sur Bor tenue par les rebelles, le Kenya évacue

Les combats se poursuivaient samedi au Soudan du Sud où l’armée avançait sur Bor, prise par les hommes de Riek Machar, au moment où la communauté internationale se mobilise pour faire cesser les violences armées qui déchirent le jeune Etat.

Des civils à Bor au Soudan du Sud le 18 décembre 2013. © AFP

Des civils à Bor au Soudan du Sud le 18 décembre 2013. © AFP

Publié le 21 décembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Face à cette situation qui tend à s’aggraver depuis le 15 décembre, date du début du conflit armé entre l’ancien vice-président Riek Machar et le président Salva Kiir, le Kenya va envoyer "immédiatement" des soldats pour évacuer quelque 1.600 ressortissants, qui se trouvent principalement dans la ville de Bor.

L’armée gouvernementale, appuyée par des hélicoptères, marchait samedi vers cette ville de Bor, à 200 km au nord de Juba, contrôlée depuis jeudi par les partisans de Riek Machar, a indiqué un porte-parole.

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C’est dans cette zone qu’un avion de l’armée américaine envoyé pour évacuer des personnes présentes dans Bor, a été touché samedi par un tir.

"Un avion militaire américain a été touché", a déclaré à l’AFP un porte-parole de l’armée ougandaise, le colonel Paddy Ankunda. Selon une source diplomatique, des militaires américains auraient été blessés par ce tir contre l’avion.

Malgré les appels au dialogue, l’option militaire prévalait samedi. "Nous avançons sur Bor (…) il y a des combats, mais nous sommes aidés par des unités aériennes", a déclaré à l’AFP le porte-parole de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), Philip Aguer. Bor est la capitale de l’Etat de Jonglei, l’une des régions les plus explosives de la jeune nation du Soudan du Sud, devenue indépendante en 2011.

Philip Aguer a démenti des informations selon lesquelles l’armée ougandaise voisine, qui avait envoyé des troupes vendredi à Juba pour sécuriser la capitale et permettre l’évacuation de milliers de ses ressortissants, participe aux combats contre Riek Machar. "Cette opération est menée par la seule SPLA", a-t-il affirmé.

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Il a également souligné que l’Etat-clé d’Unité, producteur de pétrole, était sous le contrôle du gouvernement, précisant cependant qu’il y avait eu des combats pendant la nuit dans Bentiu, capitale de cet Etat.

Selon lui, l’un des chefs militaires, le général James Koang Choul, commandant d’une division qui contrôle l’Etat d’Unité, "aurait" cependant fait défection, sans ses hommes.

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"Nous avons perdu tout contact avec le commandant … des informations nous disent qu’il a rejoint Riek Machar", a-t-il dit tout en assurant que les forces gouvernementales contrôlent la zone. La perte des champs pétroliers de l’Etat d’Unité serait une lourde défaite pour le gouvernement de Juba.

Les ressortissants kényans évacués

Après l’Ouganda vendredi, le président kényan Uhuru Kenyatta a "ordonné aux KDF (Forces de défense du Kenya) de commencer immédiatement l’évacuation des 1.600 Kényans se trouvant au Soudan du Sud" a indiqué le porte-parole de la présidence Manoah Esipisu dans un communiqué

"Malgré le calme relatif à Juba, un certain nombre de villes sud-soudanaises connaissent à nouveau les combats", at-il ajouté, indiquant que les Kényans "sont principalement dans la localité de Bor".

D’autres Kényans, dans les villes de Rumbek, Ayod, et Panyabol "seront également évacués par avion". L’armée kényane a commencé samedi à fournir de l’aide par avion à Juba, a ajouté M. Esipisu. Affolés, les habitants de Juba prennent d’assaut la gare routière

Face à la recrudescence des violences (une dizaine de civils et deux Casques bleus indiens ont été tués jeudi), l’ONU et les Etats-Unis ont appelé au dialogue. Washington a dépêché vendredi son envoyé spécial dans la région, l’ambassadeur Donald Booth.

Dans une déclaration unanime mais non contraignante, le Conseil de sécurité a appelé vendredi Salva Kiir et Riek Machar, dont la rivalité politique a provoqué une vague de violences entre leurs deux communautés, Dinka et Nuer, "à lancer un appel à la cessation des hostilités et à l’ouverture immédiate d’un dialogue".

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry, dont le pays a fortement appuyé l’émergence du nouvel Etat, a appelé aussi au dialogue. "Il est temps maintenant pour les dirigeants du Soudan du Sud de maîtriser les groupes armés sous leur contrôle, de cesser immédiatement les attaques contre les civils et de mettre un terme à l’engrenage de la violence entre différents groupes ethniques et politiques", a-t-il indiqué.

Le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Tedros Adhanom, qui dirige une délégation de médiation africaine de cinq Etats, a déclaré, après avoir rencontré vendredi les deux rivaux, que les discussions étaient "très productives".

Tension grandissante

L’ONU a recensé 14 lieux du pays où ont été rapportés des combats, des troubles civils ou des tensions importantes. Les bases de l’ONU au Soudan du Sud hébergeaient vendredi plus de 35.000 personnes, dont 20.000 à Juba, malgré la fin des combats, 1.500 à Pibor et 14.000 à Bor, tombée jeudi aux mains de rebelles présentés par les autorités comme loyaux à Riek Machar.

Environ 200 employés du secteur pétrolier ont également trouvé asile auprès de l’ONU à Bentiu, dont un champ pétrolier a été attaqué, faisant cinq morts parmi les employés sud-soudanais. Selon un haut responsable de l’ONU, citant des témoignages sur place, il s’agissait là aussi d’une attaque de jeunes Nuer contre des employés Dinka.

Aux graves dissensions politiques issues de la rébellion sudiste s’ajoutent de profonds ressentiments entre ethnies remontant aux années de guerre civile. En 1991, la défection de M. Machar de la SPLA avait fracturé sur des lignes ethniques la rébellion sudiste historique, dont Salva Kiir était un des responsables. Les troupes Nuer de Machar avaient massacré à Bor près de 2.000 civils Dinka.

Signe d’une tension grandissante, beaucoup d’habitants de Juba, affolés par des tirs intermittents tout au long de la nuit, prenaient d’assaut samedi la station d’autocars de Juba pour fuir la capitale, a constaté un photographe de l’AFP. Les étrangers convergeaient vers l’aéroport où plusieurs pays, dont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, ont envoyé des avions pour évacuer leurs ressortissants.

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