Soudan du Sud : l’ONU et Washington appellent au dialogue pour éviter l’escalade

Face à la recrudescence des violences au Soudan du Sud, où une dizaine de civils et deux Casques bleus indiens ont été tués, les Nations unies et les Etats-Unis ont appelé au dialogue, Washington dépêchant sur place son envoyé spécial pour la région.

Des habitants de Juba arrivent dans une base de l’ONU pour s’y réfugier, le 20 décembre 2013. © AFP

Des habitants de Juba arrivent dans une base de l’ONU pour s’y réfugier, le 20 décembre 2013. © AFP

Publié le 21 décembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Dans une déclaration unanime mais non contraignante, le Conseil de sécurité a appelé Salva Kiir et Riek Machar, dont la rivalité a provoqué une vague de violences inter-ethniques dans le pays, "à lancer un appel à la cessation des hostilités et à l’ouverture immédiate d’un dialogue".

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a annoncé de son côté vendredi le départ le jour même pour le Soudan du Sud de son envoyé spécial pour la région, l’ambassadeur Donald Booth, pour favoriser le dialogue entre les factions rivales qui se déchirent dans ce pays. "Il est temps maintenant pour les dirigeants du Soudan du Sud de maîtriser les groupes armés sous leur contrôle, de cesser immédiatement les attaques contre les civils et de mettre un terme à l’engrenage de la violence entre différents groupes ethniques et politiques", a indiqué M. Kerry.

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La conseillère de sécurité nationale américaine Susan Rice a averti de son côté le Soudan du Sud que les Etats-Unis étaient prêts à mettre fin à leur soutien si les violences devaient continuer.

Barack Obama s’était déjà fait l’écho des inquiétudes croissantes face à cette escalade des violences. "Les récents combats menacent de faire plonger à nouveau le Soudan du Sud dans ses jours les plus noirs du passé", a averti le président américain. Washington avait largement soutenu la lutte sud-soudanaise pour l’indépendance, obtenue en 2011 après des décennies de guerre contre Khartoum qui ont fait deux millions de morts.

Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a lui aussi "réitéré son appel à toutes les parties à faire preuve de retenue et à cesser les hostilités". Il a exhorté les deux dirigeants "à résoudre leurs divergences personnelles par le dialogue immédiatement".

L’ambassadeur français à l’ONU Gérard Araud a indiqué que M. Kiir avait "apparemment" promis à une mission africaine de médiation de "mener un dialogue sans conditions".

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Soldats ougandais à Juba

Les ministres des Affaires étrangères de Djibouti, d’Ethiopie, du Kenya, d’Ouganda et du Soudan devaient mener vendredi à Juba des démarches de paix dans le cadre de l’Autorité intergouvernementale sur le développement (Igad). L’Ouganda voisin a envoyé des soldats à Juba.

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Le diplomate français a dit craindre une répétition de l’attaque de jeudi à Aboko (Etat de Jonglei, est), indiquant que 2.000 à 3.000 personnes armées étaient rassemblées près d’un autre camp de la Mission de l’ONU au Soudan du Sud (Minuss) à Bor, capitale du Jonglei, dans lequel 14.000 personnes ont trouvé refuge.

A Aboko jeudi, 2.000 jeunes de l’ethnie Nuer, à laquelle appartient M. Machar, avaient envahi la base de l’ONU, tuant "au moins 11 civils" de l’ethnie Dinka, celle du président Kiir, et deux Casques bleus indiens, selon la Minuss. L’ONU a envoyé vendredi quatre hélicoptères évacuer son personnel d’Akobo.

L’Ouganda voisin a envoyé des soldats à Juba à la demande du Soudan du Sud pour ramener la sécurité, a rapporté vendredi le quotidien gouvernemental ougandais New Vision, précisant qu’un premier détachement de forces spéciales ougandaises avait contribué à sécuriser l’aéroport et évacuer des ressortissants ougandais.

Les affrontements entre factions rivales de l’armée sud-soudanaise, qui ont fait près de 500 morts entre dimanche soir et tard mardi dans la capitale Juba, se sont désormais propagés à l’Etat instable du Jonglei, où les tensions ethniques sont traditionnellement vives.

Cinq employés tués sur un champ pétrolier

L’ONU a recensé 14 lieux du pays où ont été rapportés des combats, des troubles civils ou des tensions importantes. Les bases de l’ONU au Soudan du Sud hébergeaient vendredi plus de 35.000 personnes, dont 20.000 à Juba, malgré la fin des combats, 1.500 à Pibor et 14.000 à Bor, tombée jeudi aux mains de rebelles présentés par les autorités comme loyaux à Riek Machar.

Environ 200 employés du secteur pétrolier ont également trouvé asile auprès de l’ONU à Bentiu, capitale de l’Etat d’Unité, dont un champ pétrolier a été attaqué, faisant cinq morts parmi les employés sud-soudanais. Selon un haut responsable de l’ONU, citant des témoignages sur place, il s’agissait là aussi d’une attaque de jeunes Nuer contre des employés Dinkas.

Aux graves dissensions politiques issues de la rébellion sudiste s’ajoutent de profonds ressentiments entre ethnies remontant aux années de guerre civile. En 1991, la défection de M. Machar de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) avait fracturé sur des lignes ethniques la rébellion sudiste historique, dont Salva Kiir était un des responsables. Les troupes Nuer de Machar avaient massacré à Bor près de 2.000 civils Dinkas.

La Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Navi Pillay, a estimé "extrêmement élevé" le risque de conflit ethnique et Human Rights Watch a accusé les belligérants d’avoir commis des meurtres sur des critères ethniques, à Juba et à Bor.

Riek Machar, vice-président du pays jusqu’à son limogeage en juillet, a appelé jeudi sur Radio France Internationale (RFI) au renversement du président Kiir, qu’il a accusé de tenter "d’allumer une guerre ethnique".

L’Allemagne et les Pays-Bas ont évacué au total 135 personnes du Soudan du Sud. Londres en a évacué 93 vendredi. Khartoum a estimé que les combats au Soudan du Sud allaient "affecter" le Soudan, qui dépend de ses gisements pétroliers.

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