Al-Qaïda en Afrique : paroles globales, actions locales
L’influence réelle et opérationnelle du commandement central d’Al-Qaïda, basé dans la région pakistano-afghane, sur les groupes jihadistes en Afrique est pour l’instant nulle et leur désir de rejoindre le jihad global sujet à caution, estiment des experts.
Au Sahel, en Somalie ou au Nigeria ces formations multiplient les déclarations belliqueuses envers un Occident détesté, mais dans les faits leurs griefs, leurs motivations et leurs actions restent locaux, assurent-ils.
Et les Etats-Unis doivent réfléchir avant de leur donner des motifs de tenter de frapper l’oncle Sam, comme le fît par exemple la franchise au Yémen du mouvement créé par Oussama ben Laden en piégeant des colis envoyés dans une ville américaine.
"Ces mouvements en Afrique apprécient la marque Al-Qaïda, ils aiment s’en réclamer, cela leur donne un certain prestige" a assuré, lors d’un colloque jeudi à Washington, l’ancien directeur de la CIA Michael Hayden. "Mais je ne suis pas certain qu’ils veuillent vraiment devenir de vrais ennemis des Etats-Unis et qu’ils souhaitent oeuvrer dans le sens du Califat islamique global" (domination mondiale de l’islam radical, basé sur la charia).
Pour Peter Pham, directeur du département Afrique du groupe de réflexion Atlantic Council, "le mouvement jihadiste en Afrique n’est clairement pas dirigé par (le successeur d’Oussama ben Laden, l’Egyptien) Ayman Al-Zawahiri, si tant est qu’il contrôle quoi que ce soit".
"La marque Al-Qaïda aide certains groupes locaux à se distinguer des groupes rivaux, cela facilite notamment le recrutement de jeunes adeptes et dans certains cas le tampon Al-Qaïda leur permet d’obtenir des fonds de l’étranger, en particulier les pays du Golfe", confie-t-il à l’AFP.
"De l’autre côté cela permet à Al Zawahiri de faire croire au monde qu’il a plus d’influence qu’il n’en a réellement. En fait c’est un homme seul, caché dans une maison quelque part. Il apprécie de pouvoir tirer crédit, partiel ou total, de ce que font ces acteurs indépendants en Afrique. Mais dans les faits le commandement central d’Al-Qaïda n’a aucune influence opérationnelle. Rien ne provient de lui. Cela se passe entre groupes, ils échangent des savoir-faire, des informations et parfois des combattants".
Pas une décision facile à prendre
Un opinion partagée par l’expert français Jean-Pierre Filiu qui confiait récemment à l’AFP: "Il n’y a en Afrique aucune unité opérationnelle ni direction coordonnée, simplement le même registre éprouvé de la propagande jihadiste".
Pour l’instant les combattants d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans les pays du Sahel, d’Ansaru ou de Boko Haram au Nigeria ou les shebab somaliens ne s’en sont jamais pris à l’Amérique ou aux intérêts américains autrement qu’en parole.
Washington doit réfléchir et agir prudemment en ce qui les concerne, conseille Michael Hayden, qui a dirigé la CIA de 2006 à 2009, après avoir été de 1999 à 2005 le patron de la National Security Agency (NSA), chargée de l’espionnage des télécommunications.
"La question que nous devons nous poser est: comment traiter ces groupes" s’est-il demandé devant les auditeurs de la septième conférence annuelle sur le terrorisme organisée par la fondation Jamestown. "Le problème ne se pose pas pour les gars qui sont dans les région tribales pakistanaises: ils sont déjà décidés à nous tuer. Il est inutile d’éviter d’en faire des ennemis, ils le sont déjà. Mais en Afrique ils ne sont pas encore acquis au califat global, ne sont pas décidés à prendre l’Amérique pour cible. Alors, devons nous accélérer le processus apparaissant clairement face à eux ? Devons nous prendre le risque d’attendre trop longtemps ? Ce n’est pas une décision facile à prendre".
Lors de l’offensive française contre Aqmi au Mali, l’opération Serval au début de l’année, comme pour l’intervention de la France en cours en République centrafricaine où des affrontements entre catholiques et musulmans pourraient être récupérés par le mouvement jihadiste pour tenter d’ouvrir un nouveau front, les Etats-Unis ont salué l’intervention de Paris mais se sont contentés d’un soutien politique et logistique.
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