Tunisie : le ministre de l’Industrie formera le prochain gouvernement
Le ministre sortant de l’Industrie Mehdi Jomaâ a été désigné samedi, malgré les protestations d’une partie de l’opposition, pour former un gouvernement d’indépendants et sortir la Tunisie d’une profonde crise politique en conduisant ce pays vers des élections.
"Le dialogue et les discussions ont abouti à un vote et au choix de Mehdi Jomaâ comme candidat au poste de chef du gouvernement", a déclaré tard dans la soirée Houcine Abassi, secrétaire général du syndicat UGTT et principal médiateur dans les pourparlers.
"Notre peuple a beaucoup attendu, mais malgré les difficultés et les entraves (…), ce dialogue n’a pas échoué", a-t-il dit, avant d’ajouter : "Félicitations à la Tunisie".
L’intéressé, âgé de 51 ans, était absent au moment de cette annonce à l’issue d’une nouvelle journée de négociations marathon ayant regroupé 21 partis politiques. Aucune déclaration de sa part n’a été transmise à la presse dans l’immédiat.
Le calendrier en ce qui concerne la formation du prochain gouvernement n’a pas été annoncé, mais il devrait se faire dans les quinze prochains jours, en vertu d’une feuille de route signée en octobre par les principaux partis tunisiens.
Le futur Premier ministre aura aussi la lourde tâche de guider son pays vers des élections que la classe politique dit vouloir organiser courant 2014.
Un homme discret
Mehdi Jomaâ, relativement peu connu du grand public, est un ingénieur sans appartenance partisane déclarée, diplômé de l’Ecole national d’ingénieurs de Tunis en 1988, d’après sa biographie officielle diffusée par l’agence de presse d’Etat TAP.
Il a poursuivi une carrière dans le privé qui l’a amené au poste de directeur d’une division d’Hutchinson, une filiale du géant français Total spécialisée dans l’aérospatiale.
Après la démission du gouvernement dirigé par l’islamiste Hamadi Jebali à la suite de l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd en février, le nouveau Premier ministre Ali Larayedh avait fait appel à cet indépendant pour diriger le ministère de l’Industrie.
S’il parvient à former un cabinet, cela marquera le retrait volontaire du pouvoir du parti islamiste Ennahda qui dirige le gouvernement depuis sa victoire à l’élection de l’Assemblée nationale constituante en octobre 2011, le premier scrutin libre de l’histoire de la Tunisie.
Sa désignation intervient à l’issue de deux mois d’un "dialogue national" chaotique destiné à parvenir à un consensus sur une personnalité indépendante à même de former un gouvernement apolitique pour régler la crise politique déclenchée par l’assassinat de l’opposant Mohamed Brahmi en juillet dernier.
Faute de compromis samedi, la question a été soumise à un vote des 21 partis représentés aux pourparlers et dont Mehdi Jomaâ est sorti vainqueur.
Mener la Tunisie vers la démocratie
"Nous avons accepté un gouvernement apolitique alors même que le gouvernement d’Ali Larayedh a la majorité (à l’Assemblée nationale constituante). Le but est de mener la Tunisie vers la démocratie", a souligné samedi Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahda.
"La Tunisie est le premier pays à avoir connu une révolution (en janvier 2011, ayant abouti au "printemps arabe") et elle sera le première à être un modèle démocratique", a-t-il ajouté.
Mais une partie de l’opposition, le principal parti Nidaa Tounès en tête, a rejeté ce choix et boycotté le vote.
"On ne peut pas choisir comme chef de gouvernement un membre du gouvernement sortant (…) Le Premier ministre choisi ne sera pas un Premier ministre de consensus", a dénoncé Issam Chebbi, un des chefs du parti Républicain.
L’opposition accuse le gouvernement dirigé par Ali Larayedh de faillite sur le plan sécuritaire en ayant, par laxisme, permis l’émergence de groupes jihadistes armés. Ceux-ci sont notamment accusés des assassinats de Mohamed Brahmi et de Chokri Belaïd.
Elle accuse aussi l’équipe sortante d’avoir échoué sur le plan économique, la croissance anémique n’ayant pas permis de résorber le chômage et la misère, qui figurent parmi les principales causes de la révolution ayant chassé Zine El Abidine Ben Ali du pouvoir en janvier 2011.
Les islamistes ont accepté de quitter le pouvoir à condition qu’en parallèle soit adoptée la future Constitution, en cours de rédaction depuis deux ans, et que le calendrier des futures élections soit fixé. Ces questions n’ont pas encore été réglées.
Près de trois ans après la révolution, la Tunisie a été sans cesse déstabilisée par des crises politiques et n’a pas été dotée d’institutions pérennes.
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