En Égypte, Sissi candidat à un troisième mandat sur fond de crise économique
Le chef de l’État égyptien s’est félicité de « dix ans de succès », alors que les prix à la consommation ont grimpé de 40 % et que la monnaie a été dévaluée de 50 %.
Depuis qu’il a fait modifier en 2019 la Constitution pour pouvoir se représenter et prolonger son mandat de quatre à six ans, la question du troisième mandat n’en est plus vraiment une pour Abdel Fattah al-Sissi. Au pouvoir en Égypte depuis qu’il a renversé Mohamed Morsi en 2013, le chef de l’État a donc logiquement annoncé le 2 octobre au soir se présenter à la présidentielle de décembre.
À l’issue d’une conférence durant laquelle il a déroulé « dix ans de succès », il a dit vouloir « se présenter pour continuer à rêver avec un nouveau mandat ». J’invite « tous les électeurs à voter, et ce, même si ce n’est pas pour moi », a-t-il ajouté.
Répression implacable
Alors que ses concurrents dénoncent des « attaques » contre leurs partisans, des milliers de personnes soutenant le chef d’État avaient été acheminées par bus vers des places dans toutes les grandes villes où leur liesse était retransmise en direct sur la scène où Sissi parlait.
En 2014 puis en 2018, Sissi l’avait emporté avec 96 % puis 97 % des voix face à une opposition soit laminée par une répression implacable, soit fantoche. Même si les experts ne doutent pas de sa victoire, les candidatures d’opposants qui s’en prennent directement au président et à la puissante armée dont il est issu se multiplient, fait inédit depuis sa prise de pouvoir.
Les proches de plusieurs leaders de partis historiques assurent avoir recueilli les 20 signatures de députés nécessaires pour postuler pour la magistrature suprême.
Un opposant sur écoute
Un ex-député de 44 ans habitué aux sorties anti-Sissi, Ahmed al-Tantawy, a fait, lui, le choix de recueillir les signatures de citoyens. Il lui en faut 25 000 pour faire valider sa candidature et depuis une semaine, il sillonne le pays pour accompagner ses partisans qui vont faire enregistrer les signatures dans les administrations.
Il a affirmé que son téléphone avait été mis sur écoute, que des dizaines de ses partisans avaient été arrêtés et son équipe de campagne annonce chaque jour que des signatures sont refusées ou des partisans agressés. Les vidéos de ses partisans scandant des slogans en pleine rue dans un pays où manifester est interdit, ses interviews à des médias indépendants et son insistance à mener campagne pour un « État de droit » sont une nouveauté en Égypte où le débat public a été réduit à néant depuis 2013.
« Sacrifices » et « famine »
En face, Sissi affirme avoir vaincu le « terrorisme » et fait du « développement » sa priorité. Les économistes, eux, dénoncent des mégaprojets pharaoniques – villes nouvelles dont la nouvelle capitale, trains à grande vitesse, ponts et routes – qui n’ont fait que siphonner les caisses de l’État et tripler la dette.
Si la construction, le développement et le progrès doivent se faire au prix de la faim et des privations, ne dites jamais « on préfère avoir à manger »
Il a prévenu le 30 septembre les 105 millions d’Égyptiens, déjà étranglés par une inflation à 40 % et une dévaluation de leur monnaie 50 %, qu’il fallait qu’ils fassent des « sacrifices ». « Si la construction, le développement et le progrès doivent se faire au prix de la faim et des privations, ne dites jamais “on préfère avoir à manger” », a-t-il dit. Les autorités ont avancé la présidentielle de plusieurs mois pour pouvoir procéder dans sa foulée, selon les experts, à une nouvelle dévaluation.
Les réseaux sociaux, où les Égyptiens se sont longtemps gardés d’être trop virulents tant les arrestations pour des écrits en ligne se sont multipliées, se sont aussitôt enflammés. « Je suis choquée, il nous propose la famine », dénonce une internaute. « Normalement, on fait des promesses électorales, même mensongères, lui, il promet la famine », s’insurge une autre.
Le 1er octobre, une autre de ses déclarations a fait scandale : « Je peux détruire le pays […] avec 100 000 pauvres si je leur donne une barrette de shit, 1 000 livres égyptiennes et des cachets de Tramadol ».
(Avec AFP)
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