Arche de Zoé : condamnation requise mais sans retour en prison
Au terme d’un débat serein en appel, l’avocat général a étrillé vendredi les meneurs de L’Arche de Zoé, Eric Breteau et Emilie Lelouch, qui avaient tenté d’exfiltrer du Tchad 103 enfants censés être orphelins du Darfour, sans demander leur retour en prison.
"Je ne crois pas qu’il soit utile ni opportun de vous renvoyer en prison", a estimé l’avocat général Etienne Madranges devant la cour d’appel de Paris. Leur peine, qui ne peut dépasser trois ans, ne doit pas être inférieure à deux ans, selon le magistrat. Peine avec une partie ferme mais aménageable, ou intégralement assortie d’un sursis avec obligation de rembourser les familles et "pourquoi pas d’un suivi psychologique", l’avocat général s’en est remis à l’appréciation de la cour. En première instance, le fondateur de l’association et sa compagne avaient été condamnés à trois ans de prison dont deux ferme.
"Je crois que vous avez été pas mal châtiés", a estimé l’avocat général. "Vous n’êtes pas des voyous", leur a-t-il lancé, "vous aviez une grande ambition, tout autant humanitaire que personnelle et orgueilleuse". Pour le magistrat, Eric Breteau et Emilie Lelouch ne sont ni des "escrocs au sens +grand public+ du terme", ni des "passeurs internationaux en réseau", pas plus que "des professionnels de l’adoption en douce". Pour autant, "tout est imprécision", "bricolage", dans cette opération dans laquelle ils ont persisté malgré les mises en garde des autorités françaises.
L’évacuation des enfants, affublés de faux pansements, a été stoppée net en octobre 2007 lorsque les bénévoles ont été arrêtés sur la route qui devait les mener à l’aéroport d’Abéché, dans l’est du Tchad, pour les faire embarquer à bord d’un avion pour la France où les attendaient des familles d’accueil. Au Tchad, l’association avait caché aux autorités, pour des raisons de sécurité selon Breteau, le but ultime de l’opération.
"Super-Breteau", "un homme seul"
"Super-Breteau arrive pour sauver le monde", a raillé l’avocat général. "Vous êtes un homme seul, qui décide pour le Darfour, pour l’ONU, pour les familles, pour les enfants, c’est l’arbitraire le plus absolu." "Le plus frappant c’est que jamais vous n’avez eu un mot de regret" et "très peu de mots pour ces bénévoles que vous avez entraînés dans cette aventure", a-t-il ajouté. L’association voulait qu’une fois sur le sol français, les enfants se voient reconnaître le statut de réfugié. Mais "tout ce que vous dites dans tous vos documents juridiques est totalement inapplicable, alinéa après alinéa", a fait valoir M. Madranges.
L’avocate du couple, Céline Lorenzon, qui est "à elle seule un collectif d’avocats", faisait selon lui office de"caution juridique de l’association", s’étonnant qu’elle assure la défense en raison de son rôle dans le montage de l’opération. Un "malaise" partagé par Me Simon Miravette, le conseil d’Alain Péligat. Décrivant ce dernier, le logisticien de l’opération condamné à six mois de prison avec sursis en première instance, comme un "brave homme", "généreux", l’avocat général a demandé à la cour de le déclarer coupable mais de le dispenser de peine.
Désignant ses clients par leurs prénoms, Me Lorenzon a estimé que dans ce "dossier hors normes", il ne fallait "pas perdre de vue la situation au Darfour", région de l’ouest du Soudan frontalier du Tchad, "on est bien là-bas en zone de guerre". Si, a-t-elle reconnu, Eric Breteau et Emilie Lelouch "sont peut-être allés trop loin en parlant d’accueil définitif", "ils n’ont jamais promis l’adoption".
Le projet d’Eric Breteau était "connu des autorités françaises", "qu’on ne nous fasse pas croire qu’il a été si manipulateur que ça" pour entraîner les bénévoles dans "une opération illégale", a poursuivi l’avocate, plaidant la relaxe. Prenant la parole en dernier, Eric Breteau a remercié les magistrats de la cour pour leur "écoute", "vous nous avez donné une autre perception de la justice". La décision sera rendue le 14 février.
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