Libye : nouveaux heurts à Tripoli, le gouvernement inquiet
De nouveaux affrontements ont éclaté samedi en banlieue est de Tripoli, où des hommes armés tentaient d’empêcher des membres d’une milice de venir venger leurs camarades au lendemain de combats ayant fait plus d’une quarantaine de morts.
Devant la presse, le Premier ministre Ali Zeidan a appelé "à la retenue et à l’arrêt des combats", estimant que les prochains jours allaient être "décisifs dans l’histoire de la Libye et dans la réussite de sa révolution". Selon lui, "la situation se compliquera davantage si d’autres groupes armés entrent dans la capitale".
En début d’après-midi, une colonne de véhicules armés venus de Misrata, à environ 200 km à l’est de Tripoli, tentaient en effet d’avancer vers la capitale, qui a été secouée toute la nuit par des explosions et des tirs nourris.
Les violences ont éclaté vendredi après-midi quand des membres d’une milice positionnée dans le quartier de Gharghour ont tiré sur des manifestants pacifiques venus réclamer son départ de la capitale.
En représailles, des hommes armés ont brièvement délogé cette milice originaire de Misrata de son QG, au prix d’affrontements meurtriers, et ont en partie incendié les lieux. Mais des premiers renforts en hommes et en armements sont arrivés dans la nuit de Misrata, et la milice a repris le contrôle de son QG.
Selon un photographe de l’AFP, la route longeant la mer vers l’est depuis le centre-ville a été fermée à la circulation samedi en début d’après-midi, tandis que des hommes armés de Tripoli juchés sur des pick-up munis de canons anti-aériens se rassemblaient à l’entrée est de la capitale. Selon des témoins, des affrontements résonnaient dans la banlieue de Tajoura, à l’est de Tripoli.
Au moins 43 morts
Le ministre de la Santé, Noureddine Doghmane, a indiqué à l’AFP en milieu de journée, que les violences de vendredi avaient fait au moins 43 morts et plus de 450 blessés, et le bilan risque de s’alourdir. Les autorités ne font cependant pas de distinction entre les manifestants tués par les tirs et les combattants morts dans les affrontements ayant suivi.
Samedi matin, la police militaire filtrait les accès au quartier de Gharghour, selon un journaliste de l’AFP. Des témoins ont précisé qu’il ne s’agissait plus d’affrontements mais de tirs en l’air des miliciens saluant l’arrivée des renforts.
Le gouvernement a appelé à un cessez-le-feu entre ces groupes armés, créés lors de la révolution contre le régime de Mouammar Kadhafi en 2011 et que les autorités peinent à contrôler, faute de police et d’armée professionnelles.
Les imams de la ville avaient appelé dans leurs prêches du vendredi les Tripolitains à manifester contre les milices, relayant des appels en ce sens du mufti, la plus haute autorité religieuse du pays, ainsi que du Conseil local (équivalent de mairie). La mission de l’ONU en Libye a condamné fermement les violences meurtrières, appelant dans un communiqué à la "cessation immédiate" des hostilités.
Les Tripolitains protestent régulièrement contre la présence de factions armées. Venues d’autres localités, elles avaient participé à la libération de Tripoli du régime Kadhafi en août 2011, mais n’ont pas quitté la capitale. Les habitants accusent ces milices de s’adonner à tous les trafics et de pratiquer tortures, enlèvements et détentions arbitraires au secret.
Le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité du pays, avait décidé l’été dernier d’évacuer toutes les milices de la capitale, mais la mesure n’a jamais été appliquée.
Face à l’impuissance des autorités, "la solution est entre les mains du peuple libyen qui doit déloger ces milices et mettre fin à cette farce", a estimé Hassen al-Amine, analyste libyen basé à Londres. "Ces milices sont en train de spolier toutes les potentialités du pays et de dilapider ses ressources", a ajouté cet ancien membre du CGN.
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