ICD-Afrique, un pont entre le sud de la France et le continent
Depuis plus de vingt-cinq ans, Henri Dalbiès met en œuvre, avec son organisation ICD-Afrique, située à Marseille, des projets de coopération et de développement sur le continent.
Henri Dalbiès est né en 1950, à Oran (Algérie), d’une famille d’agriculteurs pieds-noirs. Il a grandi et vécu en Algérie jusqu’à 1957, époque à laquelle les évènements ont contraint sa famille à émigrer vers la France. Il effectue toute sa scolarité en France, opte dans un premier temps pour l’électronique aéronautique, envisage une carrière d’électronicien de bord dans la Marine nationale, avant de s’orienter vers l’École nationale des eaux et forêts de Nancy, en 1977. Et d’entamer une carrière de technicien forestier dans les Alpes-de-Haute-Provence.
À l’Office national des forêts, Henri se spécialise dans la gestion pastorale, il aménage et équipe les parcs ovins, des refuges et des cabanes de bergers. C’est à ce titre, et dans le cadre d’un programme de coopération décentralisée entre cinq collectivités locales françaises de la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur) et cinq Communautés Rurales au Sénégal, qu’il va réaliser sa première mission en Afrique de l’Ouest. Le programme s’inscrit dans le cadre du dispositif d’« aide au retour » initié par le ministère de l’Intérieur français d’alors, qui consistait à accompagner des personnes émigrées désirant « retourner au pays » pour y développer des projets.
C’est après cette première expérience qu’il va lancer en 2005 ICD-Afrique, une organisation non gouvernementale dont l’objectif est de développer des stratégies de démocratie participative et des programmes de développement rural intégré, c’est-à-dire incluant aussi bien l’accès à l’eau, à l’éducation et à la santé, que, par exemple, la mise en place du maraîchage bio. Stagiaires et volontaires sont recrutés pour mettre en œuvre des projets, en coordination avec les autorités locales et les habitants.
« Mes motivations pour intervenir dans ces territoires africains, anciennes colonies françaises pour la plupart, remontent à mon histoire, explique sans détour le fondateur de l’ONG. Je me sens redevable, je me sens Français, soit ! mais aussi “africain” et citoyen du monde. Je suis né en Algérie, le sang de ce pays coule dans mes veines. »
Faire croître les revenus des femmes
Les principaux objectifs des projets menés au Sénégal sont de favoriser le développement économique local et la création d’emplois, et ce, dans des domaines d’activité très variés : agriculture, maraîchage, productions halieutiques, pastoralisme, écotourisme solidaire, artisanat, microfinance… Certains de ces programmes ont permis de multiplier par deux ou trois les revenus des femmes, en les accompagnant vers la production de fruits et légumes bio, de coquillages et de poissons et en les incitant à se regrouper dans des coopératives. Ce qui, indirectement, a aussi permis d’améliorer l’accès des populations à des services tels que l’éducation et formation et la santé.
Après le Sénégal, l’association étend ses activités au Bénin et au Maghreb (Algérie et Tunisie principalement). En Algérie, plusieurs projets sont initiés en Kabylie, autour de Tizi Ouzou. Après avoir concentré ses efforts sur la promotion de l’huile d’olive et des cerises locales, et la valorisation des bijoux berbères, l’ONG se tourne vers la prévention des incendies dans la région, en stimulant la création de réserves d’eau collinaires, ainsi que l’élevage ovin, à travers un système de parrainage des nouveaux éleveurs. Tous ces projets n’iront cependant pas à terme, faute d’obtenir les financements escomptés.
Un autre programme consistant à faire réfléchir et travailler les écoliers et étudiants autour de la Charte internationale des droits des enfants a, en revanche, pu être développé dans le cadre d’échanges entre des écoles, des collèges et des lycées de la région de Tizi Ouzou et de la région PACA. Les enfants de Kabylie et de Marseille ont ainsi travaillé à la création de poésies, de chansons, de bandes dessinées et de pièces de théâtre. Mais beaucoup d’autres projets n’ont pu aboutir du fait des difficultés à envoyer des fonds en Algérie. En cause : le contrôle exercé par la banque centrale algérienne et les ministères concernés.
« Notre ONG est avant tout laïque et apolitique, plaide Henri Dalbiès, qui regrette les obstacles que certains pays opposent à ses projets. Nos valeurs, nos principes d’intervention sont basés sur le respect, la participation, la non-ingérence et la non-intrusion dans un pays souverain. Notre espoir est bien d’aider ces territoires à se développer, d’y créer des ressources et des emplois et de limiter d’autant les exodes, qui sont des migrations économiques, certes, mais qui sont surtout motivés par la volonté de fuir des systèmes trop souvent corrompus, sans avenir, et la misère qui en découle. »
Africaniser les équipes
L’ONG a aussi travaillé avec la Tunisie à la suite de la révolution de 2011 et avec, là encore, le soutien de la région PACA. Les projets portaient sur la sécurité et la prévention des incendies, l’éducation, ou encore le développement touristique. Mais tous ces programmes ont été brutalement stoppés après les élections de 2015, lorsque la droite et l’extrême droite ont pris le contrôle de la région française qui les subventionnaient.
« Trop souvent, déplore Henri Dalbiès, les programmes de coopération internationale obéissent à des raisons de politique, de stratégie et d’intérêts locaux qui n’ont rien à voir avec l’humanisme et les objectifs de l’aide au développement. » L’ONG, malgré les difficultés rencontrées, continue son travail, et s’africanise de plus en plus. « Depuis 2016, poursuit son fondateur, ICD-Afrique a décidé de supprimer tous les postes salariés en France – où nous ne comptons plus que sur des administrateurs et des bénévoles. Résultat : nos salariés(es) se trouvent actuellement tous sur le territoire africain. Nos avons la fierté de revendiquer la création d’une vingtaine d’emplois, directement ou dans le cadre de conventions avec ses partenaires locaux. » « Aujourd’hui, conclut-il, 100 % des salariés sont de la nationalité des pays dans lesquels sont mis en œuvre les programmes. Ainsi la totalité des budgets destinés à ces coopérations est orientée vers les territoires de projets. »
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