Niger : fermeture ordonnée des camps de clandestins après la mort de 92 migrants
Le gouvernement nigérien a ordonné vendredi la fermeture « immédiate » des camps de clandestins d’Agadez (nord), principale zone de transit des migrants à destination de l’Algérie ou de la Libye, après la mort récente de 92 clandestins dans le Sahara.
A l’issue d’un Conseil des ministres, le gouvernement a également annoncé que "tous les acteurs" de ce trafic de migrants seraient "identifiés" et "sanctionnés avec la rigueur requise", dans un communiqué lu durant le journal télévisé du soir de la chaîne nationale. Quelque 92 migrants – essentiellement des femmes et des enfants – sont morts de soif dans le désert en octobre alors qu’ils cherchaient à rejoindre l’Algérie.
Une Nigérienne, originaire comme les victimes du sud du Niger, qui avait organisé le voyage, a d’ores et déjà été interpellée à Tamanrasset (sud de l’Algérie), la destination initiale des migrants, où elle vivait, et ramenée à Arlit (nord du Niger), ville de départ du groupe, où elle a été écrouée, selon une source sécuritaire. "Ce drame est la résultante d’activités criminelles pilotées par des réseaux de trafiquants de tous genres", a souligné le gouvernement nigérien, tout en annonçant la fermeture des "ghettos", le nom donné aux camps de clandestins d’Agadez, la grande ville du nord du pays. D’après l’ONU, près de 5.000 migrants ouest-africains, dont de nombreux Nigériens, ont transité chaque mois entre mars et août 2013 par Agadez.
Un homme a "vu sa femme et ses 9 enfants mourir"
"Fermer les +ghettos+ n’est pas forcement la solution", a réagi Almoustapha Alhacen, responsable de l’ONG Aghir In’man (bouclier humain en langue touareg), expliquant que les candidats à l’émigration dorment souvent "sous des arbres ou dans des maisons abandonnées", qu’ils quittent le jour de leur départ "pour rallier des lieux de rendez-vous secrets" à une dizaine de kilomètre d’Agadez.
Pour M. Alhacen, il faudrait plutôt, côté nigérien, "démanteler ces points d’embarquement" ou "prendre le problème à la racine" et "offrir des emplois" aux migrants. Les pays occidentaux doivent également "assouplir" l’obtention de visas, a-t-il remarqué. Plusieurs journalistes d’Agadez ont indiqué à l’AFP que le gouverneur de la région, le colonel Garba Maïkido, avait sillonné la ville vendredi pour "mettre en garde" les propriétaires de +ghettos+ et les "sommer" de ne plus les mettre à disposition de futurs migrants.
Le gouverneur a également rencontré des chauffeurs pour les informer de nouvelles mesures de "contrôles systématiques" des véhicules se rendant en Libye ou en Algérie, de même source. Les victimes ont péri d’une manière particulièrement choquante. "Entassés comme du bétail" dans des camions dont les chauffeurs se sont perdus, les migrants ont commencé à manquer d’eau et sont pour la plupart morts déshydratés, a raconté Sadafiou, un survivant, à une radio locale.
"L’un d’entre nous a vu sa femme et ses neuf enfants mourir", a raconté Sadafiou, qui a perdu trois de ses proches. Sur 113 migrants, seuls 21 s’en sont sortis, selon une source sécuritaire. Les victimes sont "mortes de soif, leurs deux véhicules étant tombés presque simultanément en panne", a expliqué à l’AFP le maire d’Agadez, Rhissa Feltou. "Dans le désert, la soif ne pardonne pas. Les plus solides peuvent tenir trois à quatre jours, mais en général au bout de 24 à 48 heures, il se déclenche un processus de mort rapide".
"Vivre de la mendicité"
Cette tragédie relance une fois de plus le débat sur l’immigration clandestine des Africains, après celle de Lampedusa début octobre, quand plus de 360 clandestins, surtout érythréens, étaient morts dans le naufrage de leur embarcation au large de cette île italienne. Les 92 victimes, qui fuyaient de mauvaises récoltes à venir, selon Sadafiou, se rendaient en Algérie pour "vivre de la mendicité", a estimé le maire d’Agadez.
Le Niger, l’un des pays les plus pauvres au monde, est confronté à des crises alimentaires récurrentes. L’émigration y est massive. Les décès de clandestins en plein désert, souvent abandonnés par leurs passeurs à une mort certaine, se révèlent assez fréquents, mais dans des proportions bien moindres. La dernière catastrophe d’une ampleur comparable dans le Sahara avait été rapportée en mai 2001 en Libye, considérée du temps de Mouammar Kadhafi comme un eldorado pour les migrants africains, quand 140 d’entre eux étaient morts de soif dans le désert.
Depuis la chute du dictateur, la Libye est davantage devenue une porte d’entrée pour l’Europe. La route migratoire y menant est bien plus fréquentée que celle pour aller en Algérie. A Rome, le pape François a appelé vendredi à l’occasion de l’Angelus, en cette fête catholique de la Toussaint, à prier pour les réfugiés morts le mois dernier dans le Sahara et en mer Méditerranée. Ce même jour, le gouvernement nigérien, "profondément touché" par la catastrophe, a décrété un deuil national de trois jours et a présenté ses "condoléances attristées aux familles éplorées".
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Au Mali, le Premier ministre Choguel Maïga limogé après ses propos critiques contr...
- CAF : entre Patrice Motsepe et New World TV, un bras de fer à plusieurs millions d...
- Lutte antiterroriste en Côte d’Ivoire : avec qui Alassane Ouattara a-t-il passé de...
- Au Nigeria, la famille du tycoon Mohammed Indimi se déchire pour quelques centaine...
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?