Kenya : les médias vent debout contre une loi sur la presse jugée antidémocratique

Les médias kényans étaient vent debout vendredi après le vote par l’Assemblée nationale d’une loi jugée répressive contre les journalistes et qui pourrait restreindre la liberté de la presse.

Journaux dénonçant la nouvelle loi sur la presse, le 1er novembre 2013. © Simon Maina/AFP

Journaux dénonçant la nouvelle loi sur la presse, le 1er novembre 2013. © Simon Maina/AFP

Publié le 1 novembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Tard jeudi soir, les députés ont voté la création d’un tribunal spécial pour les médias, nommé par le gouvernement, qui pourra infliger des amendes très élevées, jusqu’à 20 millions de shillings kényans (173.000 euros) contre les organes de presse et un million contre les journalistes en cas de non-respect du Code de déontologie. Il pourra également interdire à certains journalistes de travailler en les empêchant de bénéficier de la carte de presse officielle.

La loi, qui doit encore être promulguée par le président Uhuru Kenyatta, annonce aussi la mise en place d’un contrôle strict des programmes de radio et de télévision, imposant notamment un quota de programmes et de publicités fabriqués localement d’au moins 45%.

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S’en prenant violemment à la loi, le quotidien The Daily Nation fustigeait vendredi un texte qui "ramène le pays au même niveau que le Zimbabwe, Cuba, l’Ethiopie et le Koweït".

"D’un coup, l’Assemblée a effacé le droit de la presse", écrit le quotidien, "c’est effrayant et on peut se demander: qu’est-ce qui va empêcher le Parlement de simplement liquider l’indépendance de la justice demain?"

Liberté d’expression

Pour le journal The Star, le gouvernement aura "la mainmise sur les médias", tandis que The Standard déplore "un coup sévère" contre la démocratie et la liberté d’expression.

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"C’est une loi sévère et très répressive que nous rejetons", a déclaré le directeur général du groupe de médias Capital, dont fait notamment partie la radio Capital FM.

Le nouveau tribunal créé par cette loi "ne sera jamais impartial parce que c’est une extension du gouvernement", a-t-il expliqué, estimant que les restrictions sur les contenus et les publicités allaient nuire à la place du Kenya dans l’économie mondiale.

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Selon la presse, seuls 60 députés sur les 390 que compte l’Assemblée – dominée par la coalition Jubilee du président Uhuru Kenyatta et du vice-président William Ruto – étaient présents lors du vote qui a eu lieu quasiment sans débat.

Le gouvernement a tenté d’éteindre l’incendie vendredi, en affirmant qu’il ne pouvait "contrôler l’action du Parlement" tout en laissant entendre que la loi pouvait encore être discutée.

"La liberté de la presse n’est pas attaquée au Kenya, je ne le pense pas. Il y a de la place pour le dialogue, il y a de la place pour un débat sur cette loi", a assuré le ministre de l’Information et de la Communication, Fred Matiang’i.

Le prétexte de la sécurité nationale

Le vote de cette loi s’inscrit dans le cadre d’une série de mesures pour renforcer la sécurité nationale après la sanglante attaque islamiste contre le centre commercial Westgate de Nairobi en septembre.

Les médias avaient déclenché la colère des autorités en critiquant l’action des forces de sécurité et en dévoilant notamment des images des caméras de sécurité du centre commercial semblant montrer des soldats en train de piller les magasins pendant l’opération contre le commando islamiste.

Le directeur d’une chaîne de télévision et deux journalistes avaient été convoqués par la police, qui avait dû faire machine arrière devant le tollé.

"En réduisant au silence les médias, les politiciens savent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent en toute impunité. Personne ne le saura", écrit l’éditorialiste Mutuma Mathiu dans le Nation: "livrés à eux-mêmes les hommes politiques vont ruiner le pays et nous ramener à l’époque de la chasse et de la cueillette".

Les députés kényans sont peu en odeur de sainteté auprès de leurs concitoyens. En mai, à peine élus, ils avaient voté une loi annulant la décision de la Commission chargée de fixer les rémunérations publiques, de baisser de 40% leurs indemnités et de les rendre imposables.

Ce vote avait suscité un tollé et les députés – parmi les mieux payés du continent – avaient fait machine arrière contre une allocation pour l’achat d’une voiture de luxe et un système de retraite très avantageux.

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