Législatives en Guinée : l’opposition rejette les résultats mais joue l’apaisement
L’opposition en Guinée a maintenu, samedi, sa demande d’annulation des législatives du 28 septembre remportées par le pouvoir. Mais elle le fera dans un premier temps par la voie légale, écartant ainsi le spectre de prochaines manifestations violentes.
Réunis samedi à Conakry, les chefs de l’opposition ont évité de jeter de l’huile sur le feu et indiqué que, tout en rejetant les résultats, ils introduiraient des recours devant la Cour suprême qui doit encore valider les résultats provisoires publiés vendredi par la commission électorale, ce qui peut prendre des semaines.
Dénonçant à nouveau des "fraudes massives" de la part du pouvoir et exigeant une fois de plus "l’annulation" du scrutin, ils se sont cependant mis d’accord pour le faire sans appeler à manifester, Les dernières manifestations de l’opposition pour réclamer des législatives "libres et transparentes" ont fait une cinquantaine de morts depuis le début de l’année.
"Nous avons constitué des dossiers avec des fraudes irréfutables que nous allons néanmoins adresser à la Cour suprême et nous déciderons, à l’issue de ses délibérations, des actions à mener pour exiger de faire aboutir nos revendications, si jamais la Cour suprême ne procède pas aux annulations et aux corrections" demandées, a déclaré Cellou Dalein Diallo, chef du principal parti d’opposition, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG).
Autre signe d’apaisement, alors qu’ils s’en étaient retiré il y a une dizaine de jours, les représentants de l’opposition ont participé samedi à une réunion du "Comité de suivi" des élections qui rassemble des membres des partis politiques et de la communauté internationale.
A l’issue de sa réunion, le comité a publié un communiqué dans lequel il "se réjouit de l’accueil favorable réservé par les partis à son appel en vue de recourir aux voies légales en cas de contestation".
Il rappelle "son attente d’un traitement rigoureux et impartial" de "chacun des cas de manquement et d’irrégularités relevés" ainsi que "de tous les recours qui pourraient être introduits par les parties concernées".
"Une chance supplémentaire"
Mohamed Tall, représentant de l’opposition à la réunion, a déclaré que les opposants souhaitaient donner "une chance supplémentaire à notre pays en acceptant d’aller devant la Cour suprême", ajoutant: "Notre décision finale, nous la réservons après la publication des résultats définitifs de la Cour suprême".
Pour Kiridi Bangoura, représentant du pouvoir, "nous pouvons nous réjouir tous que la légalité puisse s’imposer et que les recours des uns et des autres soient présentés devant la juridiction suprême de notre pays".
Selon les résultats provisoires publiés par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), le parti du président Alpha Condé, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), est arrivé en tête avec 53 députés: avec les petits partis qui lui sont alliés, le pouvoir obtient la majorité absolue (fixée à 58 sièges) à l’Assemblée nationale, composée de 114 élus.
Les partis d’opposition ont obtenu un total de 53 députés et ont immédiatement rejeté des résultats qui ne correspondent pas "à la volonté" du peuple guinéen.
Quelques jours après le scrutin, l’opposition avait déjà demandé son annulation en dénonçant des "fraudes massives", réitérées samedi: bourrage d’urnes, pressions exercées par l’administration et l’armée sur les électeurs, disparitions de procès-verbaux, invalidation de milliers de votes dans des régions réputées favorables à l’opposition et, a contrario, participation anormalement élevée dans les fiefs du RPG.
Supiscions de fraudes
La communauté internationale avait elle aussi fait état le 8 octobre de "manquements" et d’"irrégularités", pouvant "remettre en cause la sincérité de certains résultats".
Les trois semaines nécessaires au comptage et recomptage des voix avant la publication des résultats provisoires par la Céni et les multiples contestations des partis politiques ont alimenté les suspicions de fraudes de part et d’autre.
Les législatives en Guinée, les premières depuis 2002, auraient dû se tenir dans les six mois suivant l’investiture en décembre 2010 du président Condé, premier président démocratiquement élu de Guinée.
Elles ont été repoussées à maintes reprises, tant la méfiance est grande entre le chef de l’Etat et ses opposants dans ce pays à l’histoire marquée par les violences politiques et militaires, les coups d’Etat et la répression sanglante des manifestations.
Ce n’est qu’à la suite d’une laborieuse médiation de Saïd Djinnit, chef de l’ONU en Afrique de l’Ouest et "facilitateur" international du dialogue inter-guinéen, qu’elles on pu finalement se tenir.
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