Guinée : l’opposition maintient sa demande d’annulation des législatives, craintes de violences
Le rejet par l’opposition des résultats des législatives du 28 septembre en Guinée, remportées par le pouvoir, faisait craindre samedi des violences dans un pays où les manifestations sont le plus souvent réprimées avec brutalité par les forces de l’ordre.
Le chef de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit, facilitateur international du dialogue en Guinée, a appelé à la "sérénité qui est nécessaire pour faire le recours par des voies légales". Il a demandé "que les gens attendent patiemment" les résultats de ces recours devant la Cour suprême qui devra proclamer les résultats définitifs.
Samedi matin, un journaliste de l’AFP a constaté que la situation était calme à Conakry où les manifestations de l’opposition pour réclamer des législatives "libres et transparentes" ont fait une cinquantaine de morts depuis le début de l’année.
Selon les résultats provisoires publiés vendredi par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), le parti du président Alpha Condé, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), est arrivé en tête avec 53 députés: avec les petits partis qui lui sont alliés dans une coalition "Arc-en-ciel", le pouvoir obtient la majorité absolue (fixée à 58 sièges) à l’Assemblée nationale, composée de 114 élus.
La coalition des partis d’opposition obtient un total de 53 députés et a immédiatement annoncé qu’elle rejetait ces résultats qui ne correspondent pas "à la volonté" du peuple guinéen. Elle estime qu’elles ont été "truquées par le RPG avec des résultats qui sont complètement surréalistes", selon son porte-parole, Sydia Touré, chef de l’Union des forces républicaines (UFR), troisième force politique à l’Assemblée nationale avec 10 députés.
Interrogé par l’AFP samedi, Cellou Dalein Diallo, dirigeant du principal parti d’opposition, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), qui obtient 37 députés, a affirmé que l’opposition maintenait sa "demande d’annulation du scrutin parce que ce sont des élections frauduleuses". "Pour le moment, nous en restons là", a-t-il ajouté, laissant ainsi entendre qu’il n’allait pas appeler à manifester.
Une réunion de concertation des partis d’opposition est prévue samedi pour déterminer la marche à suivre.
"Grand soulagement"
Quelques jours après le scrutin, l’opposition avait déjà demandé son annulation "pure et simple", dénonçant des "fraudes massives". Elle a dénoncé des bourrages d’urnes, des pressions exercées par l’administration et l’armée sur les électeurs, des disparitions de procès-verbaux, l’invalidation de milliers de votes dans des régions réputées favorables à l’opposition et, a contrario, une participation anormalement élevée dans les fiefs du RPG.
Les représentants de la communauté internationale chargés du suivi de ces législatives (ONU, France, Etats-Unis, Union européenne, pays ouest-africains) avaient eux aussi fait état le 8 octobre de "manquements" et d’"irrégularités", pouvant "remettre en cause la sincérité de certains résultats".
Les trois semaines nécessaires au comptage et recomptage des voix avant la publication des résultats provisoires par la Céni, les multiples contestations des partis politiques ont alimenté les suspicions de fraudes de part et d’autre.
Le porte-parole du gouvernement guinéen, Damantang Albert Camara, a exprimé samedi à l’AFP "son grand soulagement" de voir enfin publiés ces résultats, "aboutissement d’un processus qui a duré trop longtemps".
"Nous sommes heureux dans l’ensemble qu’on atteigne le bout de ce tunnel et (…) de l’avis de ce gouvernement membre d’une alliance majoritaire, nous avons été heureux de constater que le RPG reste le parti majoritaire de ce pays", a-t-il ajouté.
Les législatives en Guinée, les premières depuis 2002, auraient dû se tenir dans les six mois suivant l’investiture en décembre 2010 du président Condé, premier président démocratiquement élu de Guinée.
Elles ont été repoussées à maintes reprises, tant la méfiance est grande entre le chef de l’Etat et ses opposants. Ce n’est qu’à la suite d’une laborieuse médiation de Saïd Djinnit qu’elles on pu finalement se tenir. Certains responsables de l’opposition ont cependant accusé la communauté internationale d’avoir "imposé" un scrutin à haut risque.
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