L’Égypte a-t-elle vraiment prévenu Israël de l’attaque du Hamas ?

Des polémiques insinuent que l’État hébreu était informé de l’imminence de l’offensive mais aurait choisi de ne pas agir. Benyamin Netanyahou nie en bloc. De son côté, le Hamas affirme que l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » était totalement confidentielle.

Benyamin Netanyahou, le 9 octobre 2023. © AFP

Benyamin Netanyahou, le 9 octobre 2023. © AFP

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Publié le 12 octobre 2023 Lecture : 3 minutes.

« L’heure zéro était complètement secrète. Un nombre limité de dirigeants du Hamas étaient au courant. » Si le représentant à l’étranger du Hamas, Ali Baraka, soutient que les personnes informées de la préparation de l’attaque « pouvaient être comptées sur les doigts d’une main », des sources égyptiennes, sous couvert d’anonymat, assurent que leurs services de renseignement auraient prévenu Israël que « quelque chose de gros » se tramait.

Interviewé sur RT Arabic (le canal arabophone de la chaîne russe Russia Today) le lendemain de l’attaque, Ali Baraka explique que même les plus proches soutiens du mouvement islamiste ne savaient rien : « Afin de garder l’attaque secrète et garantir son succès, aucune des différentes factions, ni nos alliés n’en avaient connaissance. » 

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Depuis le studio de la chaîne russe situé à Beyrouth, le représentant du Hamas précise encore qu’ « après une demi-heure, toutes les factions de la résistance palestinienne ont été contactées ainsi que [leurs] alliés du Hezbollah et de l’Iran ». Ce dernier détail contredit plusieurs articles attestant, avec assurance, de l’implication active de Téhéran sur le plan organisationnel. 

« Les Turcs ont également été informés et une réunion a eu lieu avec eux trois heures plus tard, à 9 heures du matin», ajoute-t-il. Le 11 octobre, une source officielle confiait à l’AFP que le président Erdogan, tout en dénonçant les « méthodes honteuses » de Tsahal, avait lancé un processus de négociations avec le Hamas. Avec le même objectif que celui des pourparlers menés par les Qataris et les Égyptiens : obtenir la libération des otages kidnappés par l’organisation islamiste, dont le nombre s’élèverait à 150.

L’Égypte partie prenante… malgré elle

Les services secrets égyptiens pouvaient-ils avoir découvert le plan derrière l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » ? Si oui, en avaient-ils informé leurs homologues israéliens ? En réalité, cette alerte communiquée à Israël, loin de constituer des renseignements concrets, était un « avertissement général », selon une source informée contactée par le quotidien britannique Financial Times.

Une mise en garde qui signifiait que « les choses pourraient exploser en raison de la situation politique et humanitaire à Gaza ». Ce genre de discours est semblable à celui que tiennent les spécialistes du conflit et les ONG actives sur le terrain, quand ils évoquent la multiplication des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et le durcissement des conditions de vie dans la bande de Gaza.

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Reste que les inquiétudes des Égyptiens quant à l’escalade de la violence se justifient par le fait que le pays partage une frontière avec Israël, dans la région du Nord-Sinaï. Si le conflit, considéré depuis peu comme « de basse intensité », continue à s’aggraver, la sécurité du pays pourrait en être directement affectée. C’est d’ailleurs Le Caire qui gère le poste-frontière stratégique de Rafah, visé depuis plusieurs jours par des bombardements de l’armée israélienne.

Par le passé, le rôle de médiateur de l’Égypte entre Israël et le Hamas était central. Cela a encore été le cas lors de l’instauration d’un cessez-le-feu, en mai 2021, ou encore pour l’aboutissement de l’accord d’échange de 1 027 prisonniers du Hamas contre le soldat Gilad Shalit. Serait-ce encore le cas aujourd’hui ?  

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Deux ans de préparation

Quoiqu’il en soit, Israël nie avoir reçu un avertissement spécifique concernant l’attaque du 7 octobre. Le 9, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a qualifié ces informations d’« absolument fausses ». Deux jours plus tard, l’élu américain Michael McCaul, chef de la commission des Affaires étrangères, donnait pourtant une autre version des faits : selon lui, la mise en garde venant du Caire datait de « trois jours » avant l’assaut meurtrier. « Un avertissement a été donné, la question est de savoir à quel niveau », a-t-il spécifié. Citées par la chaîne égyptienne AlQahera News, des « sources haut placées dans l’appareil sécuritaire égyptien » démentent désormais avoir transmis le moindre avertissement à Israël, ajoutant à la confusion générale.

« Nous nous y préparons depuis deux ans », a révélé Ali Baraka. Il a ainsi dévoilé la stratégie du Hamas qui a consisté à adopter une approche « rationnelle » sans donner aucun signe avant-coureur de recours à la force. Le Hamas « n’est entré dans aucune guerre. Nous leur avons fait croire [qu’il] était occupé à gouverner Gaza (…) et [qu’il] abandonnait complètement la résistance, indique son représentant. Pendant tout ce temps, en secret, le Hamas se préparait à cette grande attaque. »

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