Laurent Fabius à Bangui pour tirer la sonnette d’alarme sur la Centrafrique

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius est arrivé en Centrafrique dimanche avec la commissaire européenne à l’aide humanitaire Kristalina Georgieva pour exhorter la communauté internationale à tout mettre en oeuvre pour sortir le pays du gouffre, livré aux pillards et menacé d’implosion.

Laurent Fabius le 9 octobre 2013 à l’Assemblée nationale à Paris. © AFP

Laurent Fabius le 9 octobre 2013 à l’Assemblée nationale à Paris. © AFP

Publié le 13 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour à 18h00.

"En un mot, la situation est désespérée. La particularité, c’est que la population entière est impactée par le conflit", a déclaré Kristalina Georgieva dimanche. Pour la commissaire européenne, "nous devons faire de l’humanitaire, mais aussi restaurer l’Etat, car sans Etat, les seigneurs de guerre vont gagner".

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Pays parmi les plus pauvres du monde et en crise depuis des années, cette ancienne colonie française s’est enfoncée dans la violence et le chaos depuis la chute en mars du président François Bozizé, renversé par une coalition hétéroclite de rebelles, la Séléka, aujourd’hui officiellement dissoute.

Le pays est livré à des chefs de bande et des mercenaires étrangers, l’Etat s’est effondré et les violences menacent de prendre un tour religieux entre chrétiens, qui constituent la majorité de la population de 5 millions d’habitants, et musulmans.

Il y a urgence, avait déclaré le président François Hollande à New York fin septembre, insistant sur le risque de "somalisation" de la RCA face à la communauté internationale.

Car chaque jour amène son lot de nouvelles violences, qui s’étendent progressivement à travers tout le pays. Vendredi, des combats entre les forces armées centrafricaines et des milices d’autodéfense – paysans exaspérés par les exactions des ex-rebelles – ont fait six morts dans la région de Mongoumba, dans le sud.

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Et la veille, un contingent de policiers et gendarmes déployé dans le nord-ouest après un bain de sang qui a fait plus de 50 morts en début de semaine, a été attaqué par les ex-rebelles et obligé de battre en retraite.

"La Centrafrique c’est un petit pays mais qui cumule toutes les difficultés et tous les malheurs", déclarait récemment M. Fabius, rappelant les exactions, viols, meurtres, les 400.000 déplacés et le tiers de la population ayant besoin d’une aide humanitaire d’urgence.

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"Il y a un cocktail explosif en Centrafrique, et nous craignons que ce pays ne crée un appel d’air pour tous les groupes armés de la zone", souligne une source diplomatique française, évoquant la présence de mercenaires tchadiens et soudanais, de la sanglante rébellion ougandaise Armée de résistance du Seigneur (LRA). Sans compter la probable arrivée de jihadistes chassés du Mali ou d’éléments du groupe islamiste armé nigérian Boko Haram.

Rencontre avec le président Djotodia

Lors de sa visite, Laurent Fabius s’est entretenu plus d’une heure avec le président Michel Djotodia, ancien chef de la Séléka qui tente désormais de prendre ses distances avec ses compagnons d’armes, et le Premier ministre Nicolas Tiangaye. Il comptait notamment insister sur la nécessité de respecter la feuille de route qui prévoit une transition de 18 mois.

Il s’entretiendra également avec les représentants de la communauté française –il reste moins de 600 Français à Bangui–, verra les militaires français –400 hommes basés à l’aéroport– ainsi que les représentants de la Misca, la force africaine déployée en Centrafrique qui doit compter à terme 3.600 hommes mais dont seuls 2.000 sont déployés sur le terrain jusqu’à présent.

"On n’a pas été extrêmement brillants dans ce pays. Cette fois-ci il faut réussir", souligne un diplomate français à Bangui. "L’idée c’est de réduire la Séléka dans les provinces, le moment venu. Peut-être pas tout de suite mais d’ici la fin de l’année ou le printemps".

Cette visite intervient trois jours après le vote à l’ONU d’une résolution initiée par la France, qui ouvre la porte à l’envoi de Casques Bleus en Centrafrique d’ici plusieurs mois.

"Si on mettait en RCA l’argent qui a été utilisé pour chasser les islamistes du Mali on serait tranquilles pour 30,40 ans", a déclaré pour sa part le porte-parole de la présidence centrafricaine, Guy Simplice Kodegue.

"Il nous faut des hommes, du matériel. Mais il faut aussi qu’on puisse payer les salaires et que les gens mangent. Or les caisses de l’Etat sont vides", a-t-il ajouté.

Le porte-parole a également insisté sur le rôle de la France dans la résolution de la crise: "La France a mis la RCA à l’agenda de la communauté internationale et c’est bien. Mais ils assurent une présence a minima, il faut plus de présence (française) et d’appui logistique", a-t-il dit.

L’arrivée du ministre a suscité beaucoup d’espoir chez les Centrafricains traumatisés par six mois de violences, comme en témoignaient les nombreux slogans brandis sur son passage: "Réconcilions-nous avec la mère nourricière".

Paris n’exclut pas d’augmenter à l’avenir le nombre de ses soldats, jusqu’à 700 hommes, mais "nous serons là en appui" d’une force ayant un mandat clair et robuste, souligne-t-on.

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