Quand Ibrahim Traoré met Sankara à toutes les sauces

Alors que le Burkina Faso commémore ce 15 octobre l’assassinat du père de la révolution, le régime du capitaine Traoré multiplie les clins d’œil au sankarisme.

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Publié le 15 octobre 2023 Lecture : 2 minutes.

Thomas Isidore Noël Sankara était « héros national ». Depuis le 4 octobre, il est désormais… « héros de la Nation ». C’est en 1990 qu’avec Nazi Boni, Daniel Ouezzin Coulibaly et Philippe Zinda Kaboré, feu l’ancien président du Faso était bombardé héros national pour s’être « illustré au service de la patrie ». Un rang historique matérialisé par l’érection d’un monument de près de huit mille tonnes – deux mille tonnes par héros – et cinquante-cinq mètres de hauteur, au quartier huppé de Ouaga 2000. Quelle dimension inédite revêt donc ce nouveau statut de « héros de la Nation », validé par décret du capitaine Ibrahim Traoré, dans le but de « pérenniser les valeurs cardinales qui fondent la République » ?…

De même, alors qu’existait déjà, à Ouagadougou, une « avenue président Thomas Sankara », le gouvernement de transition vient de décider que le boulevard Charles de Gaulle était rebaptisé « boulevard Thomas Sankara », à compter de ce 15 octobre 2023, 36e anniversaire de l’assassinat de l’ancien chef de l’État et jour de pose de la première pierre du mausolée qui lui est dédié. En 2017, peu avant l’arrivée d’Emmanuel Macron à Ouagadougou, ce changement de toponymie avait été symboliquement effectué par des activistes burkinabè…

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« Enseigner est l’art de répéter », considèrent certainement ceux qui enfoncent le même clou idéologique. À moins de considérer qu’un rang accordé par l’un n’a pas la même valeur que le même rang accordé par l’autre, le « traître » Blaise Compaoré, en l’occurrence…

Hommages à répétition

Depuis son arrivée au pouvoir, Ibrahim Traoré rend régulièrement hommage à l’autre capitaine, embouchant le jargon fait d’«anti-impérialisme » et de dénonciation des « valets locaux », accompagnant la réinhumation des restes présidentiels au mausolée ou instruisant la promotion du pagne en Faso dan fani comme uniforme scolaire.

Récupération ? C’est sur une vague quasi-immédiate de culte sankariste de la personnalité qu’a surfé le plus jeune chef d’État en exercice. En 2022, à peine installé au pouvoir, « I.B » recevait, au mémorial Thomas Sankara, le « flambeau de la révolution ». Le grade commun des deux putschistes, l’appel à la sobriété, l’âge quasi identique à leur prise de pouvoir et la naissance de l’un à la fin de l’ère de l’autre finirent de fournir aux plus mystiques des arguments de réincarnation. Or l’esprit sankariste reste populaire, dans les propos de maquis, même si les actes ne suivent pas toujours. « Sankariste / En octobre à Dagnoën / Égoïste / Quand le gombo n’est pas loin », ironise le chanteur burkinabè Bil Aka Kora, faisant référence au cimetière de « Dagnoën » où fut enterré Thomas Sankara en octobre 1987.

Qu’y a-t-il de spontané dans cette promotion messianique et dans les hommages à répétition à « Thom Sank » ? Si la récupération politique ne devait pas être avérée, la récupération commerciale est déjà en route. Les pagnes à l’effigie d’Ibrahim Traoré circulent aux côtés des tee-shirts « Sankara »…

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