Kenya : le président Uhuru Kenyatta sort renforcé de l’attaque du Westgate

Jusque-là aux abois, le président kényan Uhuru Kenyatta s’est forgé une nouvelle stature de commandeur durant la tragédie du Westgate à Nairobi, renforçant sa popularité et même, selon les observateurs, sa position dans son procès pour crimes contre l’humanité.

Le président kényan Uhuru Kenyatta et son épouse Margaret à Nairobi le 27 septembre 2013. © AFP

Le président kényan Uhuru Kenyatta et son épouse Margaret à Nairobi le 27 septembre 2013. © AFP

Publié le 29 septembre 2013 Lecture : 3 minutes.

La sanglante attaque du centre commercial Westgate a mis le gouvernement face à de nouveaux défis: il doit expliquer pourquoi il n’a pas réagi à des avertissements répétés d’attentats, et trouver une stratégie pour en éviter de nouveaux. Uhuru Kenyatta, qui a perdu son neveu et la fiancée de celui-ci pendant le siège du Westgate, a montré une trempe qui lui a apporté une reconnaissance au-delà de sa base électorale ethnique. "Je n’ai pas voté pour lui mais je dois admettre qu’il a été solide et déterminé. J’étais fier", a déclare Alex Odhiambo, un jeune taxi de Nairobi, au lendemain de l’annonce de la fin du siège par le président lui-même, lors d’une allocution télévisée. "Cette attaque a été une tragédie pour lui aussi (personnellement) et les gens à travers le pays ont été impressionnés que sa capacité à gouverner n’ait pas été affectée", explique Mwalimu Mati, qui dirige une ONG de lutte contre la corruption, Mars Group Kenya.

Lors de ses discours à la nation durant la crise, M. Kenyatta a évoqué son deuil, appelé à l’unité nationale et juré de punir les responsables du carnage, qui a fait au moins 67 morts et 240 blessés. "Que les opérations de sécurité aient été (…) mal gérées ne lui a pas encore été reproché. Il a envoyé les bons signaux, avait l’air de contrôler, était présidentiel", estime M. Mati.

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Non seulement le rejeton quinquagénaire (51 ans) du président fondateur du Kenya, Jomo Kenyatta, a gagné ses galons, mais il est désormais susceptible d’être soutenu par une partie de l’opposition. Pendant que le pays retenait son souffle face au carnage, M. Kenyatta a tout fait pour se présenter comme le leader de tous les Kényans, et pas seulement comme le défenseur des intérêts de sa seule ethnie kikuyu, ce qu’il était auparavant.

"Le parfait mot d’excuse"

Cerise sur le gâteau pour le président, l’agence de notation Moddy’s estime que les perspectives ne sont pas forcément mauvaises sur le front économique. De plus, l’attaque "vient dynamiser son mandat et émousse l’impact politique national et international" du procès à venir de M. Kenyatta devant la Cour pénale internationale (CPI), juge Moody’s. Il doit comparaître en novembre devant la CPI à La Haye pour "crimes contre l’humanité", survenus durant les violences ethnico-politiques qu’il est accusé d’avoir déchaînées après l’élection présidentielle controversée de 2007.

Pour les observateurs, il se trouve désormais dans une position bien plus confortable, qui lui permettra de prétendre qu’il est le garant de l’unité du Kenya et que le pays a besoin de son leadership. "Kenyatta dispose maintenant du parfait mot d’excuse" pour la CPI, estime un diplomate basé à Nairobi. Durant l’enquête sur M. Kenyatta, une série de témoins-clés se sont rétractés ou ont été décrédibilisés dans des circonstances douteuses. La CPI a dénoncé des intimidations envers eux, mais le dossier est d’ores et déjà affaibli. "Il y a maintenant énormément de pression sur la CPI", analyse Mwalimu Mati. "Et il y a aussi un problème de realpolitique concernant le terrorisme".

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Car le Kenya est un des principaux contributeurs à la force de l’Union africaine intervenant, avec le soutien occidental, en Somalie pour soutenir son faible gouvernement face aux insurgés islamistes shebab. Les shebab, qui ont revendiqué l’attaque du 21 septembre contre le Westgate, sont en train de transformer la Somalie en un des principaux pôles mondiaux d’Al-Qaïda et sont de plus en plus considérés comme une menace susceptible de frapper un jour, n’importe où, des intérêts occidentaux.

Lorsque Uhuru Kenyatta expliquait avant l’attaque que le Kenya pouvait difficilement se permettre une absence prolongée de son président pendant qu’il serait retenu à son procès à La Haye, l’argument semblait réthorique. Il a désormais des arguments solides pour plaider l’indulgence de la CPI. A la communauté internationale inquiète, "Kenyatta peut aujourd’hui dire: +vous ne pouvez pas demander l’aide du Kenya (contre Al-Qaïda) et en même temps vous en prendre à son président+", selon Mwalimu Mati.

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