Kenya : les forces spéciales israéliennes interviennent à Nairobi
Des forces spéciales israéliennes ont pénétré dimanche dans le centre commercial de Nairobi Westgate pour tenter de mettre fin au siège du bâtiment et secourir les blessés et les otages retenus depuis samedi par un commando islamiste.
Des forces spéciales israéliennes ont pénétré dimanche dans le centre commercial de Nairobi Westgate pour tenter de mettre fin au siège du bâtiment et secourir les blessés et les otages retenus depuis samedi par un commando islamiste.
"Les Israéliens viennent d’entrer et ils secourent les otages et les blessés," a indiqué à l’AFP une source sécuritaire sous couvert d’anonymat. "C’est la raison pour laquelle des ambulances sont parties" vers le centre commercial, a précisé cette source, laissant entendre qu’il y aurait très vraisemblablement de nouvelles victimes.
Le "Westgate Mall" est réputé être en partie la propriété d’Israéliens. Interrogé par l’AFPà Jérusalem, le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Paul Hirschson, n’a pas souhaité commenter. "Nous n’avons pas pour habitude de commenter une quelconque opération conjointe de sécurité qui pourrait ou non être en cours". A l’intérieur du centre commercial, la confrontation dure depuis 24 heures entre le commando islamiste et les forces kényanes.
L’attaque, qui a fait au moins 59 morts selon le gouvernement kényan, a débuté samedi après-midi, alors que le centre commercial était bondé de Kényans et d’expatriés venus faire leurs courses du week-end ou qui étaient attablés aux terrasses de cafés. Deux Françaises, une mère et sa fille, sont décédées, tout comme un célèbre poète et homme d’Etat ghanéen, Kofi Awoonor, 78 ans. Des Américains, très vraisemblablement des Britanniques et de nombreux autres Occidentaux -cibles privilégiés des assaillants- figurent parmi les blessés, estimés à 175, toujours selon les autorités kényanes.
Selon le ministre de l’Intérieur, 10 à 15 agresseurs étaient retranchés dimanche matin dans le centre commercial, cernés par les forces de sécurité et détenant un nombre indéterminé d’otages.
"Les assaillants tiraient dans le tas"
"Nous pensons qu’il y a des personnes innocentes dans le bâtiment, c’est pourquoi l’opération est délicate", a expliqué le ministre Joseph Ole Lenku, faisant par ailleurs état de 175 blessés. "Notre hôpital est complètement plein, nous avons été contraints d’envoyer des patients vers d’autres établissements", a indiqué, sous couvert d’anonymat, un médecin de l’hôpital M.P. Shah, proche du centre Westgate, et où tout le personnel en congé a été rappelé d’urgence.
Le commando islamiste a pénétré samedi en début d’après-midi dans le centre commercial, ouvrant le feu à l’arme automatique et à la grenade sur la foule d’un millier de clients et d’employés du centre. Jusque dans la soirée, alors que les affrontements se poursuivaient, clients apeurés et employés traumatisés, piégés dans le centre, ont continué d’en émerger par petits groupes, au fur et à mesure de la lente progression des forces de l’ordre. Blessés et cadavres ensanglantés ont été évacués par les services de secours.
Egalement épaulés par des membres en civil des services de sécurité des chancelleries occidentales, policiers et militaires kényans ont tenté prudemment de cerner les assaillants dans un labyrinthe de boutiques en tout genre où il est aisé de se cacher ou de se retrancher. Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier à Nairobi depuis une attaque-suicide d’al-Qaïda en août 1998 contre l’ambassade américaine, qui avait fait plus de 200 morts.
L’attaque du Westgate a été revendiqué dans la soirée par les shebab somaliens, liés à Al-Qaïda, qui l’ont présentée comme une opération de représailles à l’intervention des troupes kényanes en Somalie, lancée fin 2011.
Une employée du centre commercial, Zipporah Wanjiru, qui a réchappé à l’attaque en se cachant sous une table avec des collègues, était en état de choc. Les agresseurs "tiraient dans le tas, c’était comme un film de voir les gens sous des pluies de balles comme ça," a-t-elle raconté en larmes. "Je servais des clients quand ces hommes sont arrivés," a renchéri un autre employé, Titus Alede. "Ils ne voulaient pas d’argent, ils tiraient sur les gens sans rien demander. Je me souviens qu’ils ont dit +vous avez tué notre peuple en Somalie, c’est à votre tour de payer+".
Une cible idéale et facile
Ouvert en 2007, le Westgate compte des restaurants, des cafés, des banques, un grand supermarché et un cinéma multiplexe qui attirent des milliers de personnes chaque jour.
Dans une capitale connue comme le "hub" de l’Afrique de l’Est, où vivent de nombreux expatriés rayonnant dans toute la région, l’endroit était régulièrement cité par les sociétés de sécurité comme une cible possible de groupes liés à Al-Qaïda – tels les insurgés shebab.
Et la configuration des lieux – vaste terrasse donnant sur la rue, multiples entrées, parkings aérien et souterrain- se prêtait de fait particulièrement à une attaque.
Washington a dénoncé un acte "ignoble". La présidence française a dénoncé ce "lâche attentat", également condamné unanimement par les quinze pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU. "Le Kenya ne se laissera pas intimider par le terrorisme", a réagi dans la nuit le président kényan Uhuru Kenyatta, qui a précisé avoir "personnellement perdu des membres de sa famille" dans le drame.
"Ce que les Kényans voient à Westgate, c’est de la justice punitive pour les crimes commis par leurs soldats" en Somalie "contre les musulmans", ont eux écrit les shebab sur leur compte Twitter. "Le message que nous envoyons au gouvernement et à la population kényane est et sera toujours le même: retirez toutes vos forces de notre pays", ont-il ajouté, avant que leur compte ne soit suspendu dans la nuit.
L’armée kényane était entrée en Somalie en 2011 et se maintient depuis dans le sud du pays, dans le cadre d’une force africaine soutenant le gouvernement somalien qui a infligé de nombreuses défaites aux islamistes.
"Seuls les infidèles ont été tués", ont prétendu les shebab, affirmant que leurs "moujahidines" avaient épargné les musulmans présents sur place en les "escortant" hors du centre.
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