Tunisie : un journaliste en détention pour avoir accusé le parquet

Le journaliste tunisien Zied el-Heni a été incarcéré vendredi pour avoir accusé le parquet d’avoir fabriqué des preuves impliquant un caméraman dans une affaire rocambolesque de jet d’œuf contre un ministre et qui suscite des craintes pour la liberté d’expression.

Devant le palais de justice de Tunis, le 13 septembre 2013. © AFP

Devant le palais de justice de Tunis, le 13 septembre 2013. © AFP

Publié le 14 septembre 2013 Lecture : 3 minutes.

En réaction, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), très influent dans son secteur, a lancé un appel à une grève des médias mardi et un boycott d’une durée indéterminée de toutes les activités du gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda.

Placé en détention provisoire à la prison de la Mornaguia vendredi à la mi-journée sur ordre d’un juge d’instruction, Zied el-Heni pourra être libéré lundi après le versement d’une caution, une juridiction d’appel, réunie dans l’urgence, ayant allégé dans la soirée la mesure de privation de liberté. "La chambre d’accusation de la cour d’appel a décidé d’une libération de Zied El-Heni contre le versement d’une caution de 2.000 dinars (1.000 euros environ), mais on ne pourra la verser que lundi matin la décision ayant été rendue trop tard" vendredi, a expliqué à l’AFP son avocat Me Abdelaziz Essid.

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Le journaliste est poursuivi pour avoir accusé le 28 août sur la chaîne Nessma TV le procureur de la république, Tarek Chkioua, d’avoir fabriqué des preuves contre le caméraman Mourad Meherzi, suspecté d’être complice d’un jet d’œuf contre le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk. Le vidéaste, qui a passé trois semaines en détention provisoire avant d’être libéré début septembre, assure n’avoir que filmé la scène, une version des faits confirmée par le lanceur de l’œuf, le cinéaste Nasreddine Shili.

Accusations sur Facebook

L’avocat du ministre, Mabrouk Kourchid, a lui-même affirmé devant la justice que M. Meherzi ne faisait que son travail lorsqu’il a assisté à la scène. Le caméraman du site internet Astrolabe TV reste néanmoins inculpé et M. Shili en détention.

Quelques heures avant son arrestation, M. el-Heni, qui risque une peine de prison ferme, avait renouvelé ses accusations. "Je vais présenter au juge d’instruction deux documents qui prouvent ce que j’avais annoncé concernant les allégations du procureur Tarek Chkioua qui avait prétendu (…) que la détention de mon collègue Mourad Meherzi avait été décidée sur la base d’aveux sur sa participation à un complot pour agresser le ministre de la Culture", a-t-il écrit sur Facebook. "Il n’y avait aucun aveu, au contraire (Mourad Meherzi) a même refusé de signer le procès-verbal" après son interrogatoire, a-t-il ajouté.

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M. el-Heni était un critique farouche du régime de Zine El Abidine Ben Ali, renversé par la révolution de janvier 2011. Harcelé à l’époque par la police, il n’avait cependant jamais été emprisonné. Depuis le soulèvement, cet ancien responsable du SNJT a régulièrement accusé les islamistes d’Ennahda d’user de la justice et de la police à des fins politiques et pour juguler la liberté de la presse.

Le chef du puissant syndicat UGTT, Houcine Abassi a vivement dénoncé vendredi les atteintes à la liberté de la presse en Tunisie, s’insurgeant contre "les tentatives de soumettre" les médias.

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Human Rights Watch a vivement critiqué les poursuites engagées contre M. el-Heni et d’autres, accusant la justice d’user "encore et encore des mêmes articles du code pénal comme d’outils de répression contre la liberté d’expression". HRW rappelle que ces derniers mois "de nombreux journalistes, blogueurs, artistes et intellectuels" ont été inculpés ou condamnés sur la base de "l’arsenal judiciaire répressif" hérité du régime de Ben Ali.

L’ONG américaine a notamment mis en avant le cas de Walid Zarrouk, responsable d’un syndicat des forces de l’ordre, actuellement en détention pour avoir accusé sur Facebook le procureur Chkioua de "violer l’état de droit, la suprématie des valeurs de vérité, de justice, d’équité et d’égalité entre les citoyens".

Fin août, deux rappeurs ont été condamnés à 21 mois de prison pour des chansons jugées diffamatoires pour la police. Les deux jeunes, aujourd’hui en cavale, n’avaient pas été informés de leur inculpation, ni de la tenue d’un procès. Le ministère de la Justice refuse par principe de donner des indications sur les décisions judiciaires, arguant de l’indépendance des tribunaux.

(AFP)

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