En Algérie, une sécheresse de plus en plus alarmante

Cela fait plus de quatre mois qu’il n’est pas tombé une goutte d’eau sur le pays, et les conséquences sur l’agriculture se font cruellement sentir. En attendant la pluie, les autorités encadrent strictement l’utilisation de l’eau.

Les 17 et 18 octobre, la région montagneuse de Béjaïa a connu, à elle seule, 34 incendies. © AFP

Les 17 et 18 octobre, la région montagneuse de Béjaïa a connu, à elle seule, 34 incendies. © AFP

Publié le 23 octobre 2023 Lecture : 4 minutes.

« C’est terrible ! Nous sommes à la mi-octobre, et il ne pleut toujours pas, les températures sont celles d’un mois d’août et il y a encore des feux de forêt un peu partout », déplore Rachid, 59 ans. L’homme, qui cultive une oliveraie héritée de son grand-père, à Toghza, une plaine alluviale sur les berges de la haute Soummam, en Kabylie, n’a jamais vu ses arbres aussi desséchés. « Ces oliviers, plantés par mes ancêtres, sont plusieurs fois centenaires et réputés pour leur résistance, mais personne dans la famille ne se rappelle les avoir vus aussi proches de la mort. Il faudrait qu’il pleuve pendant des mois pour espérer les voir reprendre », lâche-t-il.

Comme Rachid, ils sont des milliers d’agriculteurs ou de simples citoyens possédant des vergers ou un petit lopin de terre à voir leurs arbres dépérir et mourir à petit feu. Les puits s’assèchent les uns après les autres, et tout nouveau forage est désormais interdit. Agriculteurs et propriétaires terriens ne sont autorisés qu’à nettoyer leurs vieux puits.

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Pour essayer de préserver un tant soit peu la nappe phréatique, unique source d’approvisionnement en eau pour les populations des localités environnantes, les autorités ont formellement interdit de creuser de nouveaux forages ou d’approfondir les anciens. Les gendarmes ont pour mission de veiller à l’application stricte de cette mesure et tout contrevenant encourt de lourdes amendes.

Un ciel désespérément barbouillé de sable ocre venu du désert, un vent souvent chaud et sec, et quelque rares cirrus qui lézardent l’azur comme des trainées d’avion, voilà ce à quoi ressemble chaque jour que Dieu fait la météo dans une Algérie qui fait face à l’un des pires épisodes de sécheresse de son histoire.

« Nous avons connu des records de chaleur en juillet, en août, en septembre, et c’est la même chose en octobre. Il a fait 28 degrés à 7 heures du matin à Tizi Ouzou, ce mercredi 18 octobre. Exactement comme en novembre 2022 », s’inquiète Malek Abdesslam, docteur en hydrologie et maître de conférences à l’université de Tizi Ouzou.

Feux de forêt

Les vagues de chaleur qui se sont succédé tout le long d’un été particulièrement caniculaire et le manque de précipitations sont venus à bout de plusieurs barrages dans le centre et dans l’ouest du pays. Certains, comme le Koudiat Acerdoun, le Keddara ou encore Tichy-Haf, sont complètement à sec, entraînant au passage des catastrophes écologiques majeures et la mort de milliers de poissons. La situation s’aggrave de semaine en semaine au fur et à mesure que s’amenuisent les ressources hydriques avec l’assèchement des barrages et l’épuisement des nappes phréatiques.

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Aucune goutte n’est tombée depuis plus de quatre mois à l’exception de quelques orages dans le grand Sud. Cette sécheresse alarmante qui se prolonge pour la cinquième année consécutive est devenue une source d’angoisse de plus pour beaucoup de citoyens pris dans l’engrenage d’un quotidien morose, rythmé par les pénuries, l’inflation et les procès contre les opposants au régime.

Ce samedi 14 octobre, sur instruction du ministère des Affaires religieuses, une « prière de la pluie » (salat al-istisqa), une vieille tradition qui remonte à l’ère du Prophète, a été accomplie dans toutes les mosquées du pays. Les imams ont été instruits d’effectuer cette prière surérogatoire avec « possibilité de la renouveler le cas échéant et ce en raison de la faible pluviosité voire l’absence de chutes de pluie », selon les mots mêmes du communiqué du ministère. Les fidèles, eux, ont été appelés à « demander pardon à Dieu et à invoquer sa miséricorde pour qu’il fasse tomber la pluie ».

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Après une accalmie en septembre, les incendies de forêt sont revenus en force. Les départs de feu ne se comptent plus. Les 17 et 18 octobre, la région montagneuse de Béjaïa a connu, à elle seule, 34 incendies. À l’échelle nationale, selon le dernier bilan établi par la protection civile, 10 grands incendies nécessitant l’utilisation de tous les moyens humains et matériels, notamment l’aviation, ont été enregistrés ce 18 octobre dans plusieurs wilayas du nord du pays.

Barrages à sec

Outre l’approvisionnement de la population en eau potable, c’est le secteur de l’agriculture qui souffre le plus des conséquences de cette sécheresse inédite. Dans son allocution de politique générale prononcée cette semaine devant les députés, le Premier ministre, Aymen Benabderrahmane, a évoqué le chiffre de 90 000 agriculteurs du nord du pays impactés par la sécheresse et appelés à être indemnisés.

Les enquêtes préliminaires lancées par ses services font également état de 1,2 million d’hectares de surface agricole sinistrée, soit près de 14 % de la surface agricole totale du pays. Par ailleurs, le dernier recensement a montré que la sécheresse a aussi impacté le cheptel ovin, qui est tombé de 21,7 millions à 17,3 millions de têtes.

Concernant les ressources hydriques, le Premier ministre a déclaré que la plupart des wilayas du nord du pays enregistrent un déficit de 90 % du fait que plusieurs retenues et barrages, dont le Koudiet Acerdoune, considéré comme le deuxième plus grand barrage du pays, sont aujourd’hui complètement à sec. Face à cette situation d’urgence, le gouvernement mise principalement sur le dessalement de l’eau.

En janvier dernier, le président Abdelmadjid Tebboune avait annoncé un vaste plan de construction d’usines de dessalement de l’eau de mer le long du littoral algérien avec pour objectif stratégique de couvrir 60 % des besoins en eau potable du pays d’ici 2030. Le gouvernement avait, de son côté, annoncé la création de l’Agence nationale de dessalement des eaux (ANDE), dont la mission sera de réaliser, d’exploiter et d’assurer la maintenance des stations de dessalement de l’eau et des infrastructures et équipements afférents. En attendant le retour salvateur des nuages porteurs de pluie, les ressources s’amenuisent de jour en jour et l’été joue les prolongations.

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