[Série] Non, les esclaves n’étaient pas des victimes passives !
À l’occasion de l’exposition de Raphaël Barontini au Panthéon, Jeune Afrique vous propose une série historique sur les plus importantes révoltes d’esclaves à travers le monde depuis le IXe siècle.
N’entre pas qui veut au Panthéon. La patrie reconnaissante ne l’est qu’avec circonspection, préférant en général célébrer les mâles blancs consensuels. À ce titre, l’intervention du jeune artiste d’origine guadeloupéenne Raphaël Barontini au cœur de ce lieu de mémoire est particulièrement remarquable : l’ironie grinçante de son exposition – « We Could be Heroes » (« Nous pourrions être des héros »), en référence à la célèbre chanson de David Bowie – questionne à sa manière les héros que la France s’est choisis.
L’artiste ne s’est pas laissé aller à la critique facile quand le Centre des monuments nationaux l’a invité pour une carte blanche au sein du mausolée néoclassique bâti au XVIIIe siècle. Dans un style créole et imagé, fait de peintures, de collages et de sérigraphies sur tissu, l’artiste propose une version de l’histoire différente en mettant en scène des hommes et des femmes souvent peu connus, qui furent néanmoins des acteurs importants de la lutte contre l’esclavage.
Abolitionnistes et esclaves marrons
Si l’Occident aime à répéter les noms de ses abolitionnistes célèbres – au premier rang desquels le Français Victor Schoelcher – l’oubli est souvent de mise quand il s’agit d’évoquer les esclaves qui se révoltèrent contre leur sort et combattirent en résistants face à l’oppression. Jusqu’au 11 février 2024, il en sera autrement. Le visiteur qui pénètrera entre les murs austères du Panthéon ne pourra ignorer la série de dix bannières déployées de chaque côté de la nef et formant une haie d’honneur. Il ne pourra pas, non plus, fuir le regards des combattants de la liberté représentés sur ces bannières.
Peut-être même retiendra-t-il leurs noms : Anchaing et Héva, de la Réunion ; Dutty Boukman, le « Mars Vaudou », Sanité Belair, et Cécile Fatiman, la « mambo de Bois-Caïman », de Saint-Domingue ; Joseph Ignace, de la Guadeloupe ; Claire, la « marronne de la Montagne-Plomb », de Guyane ; Victoria Montou, dite « Toya », déportée du royaume du Dahomey à Saint-Domingue ; Flore « Bois » Gaillard, de la Martinique, et d’autres encore.
Résistants méconnus
A ces hommes et ces femmes qui s’élevèrent contre l’horreur de l’esclavage, Raphaël Barontini offre une existence et une dignité. « J’ai voulu représenter ceux qui ont résisté et ceux qui se sont battus, les figures historiques de cette lutte, qui n’avaient guère de représentation, explique l’artiste. Pour ce faire, je suis allé chercher des images dans des domaines divers, la statuaire classique, les sculptures antiques, les représentations du pouvoir, la création africaine. » Dans les collections photographiques du Musée du Quai-Branly, il a ainsi cherché la fierté, la noblesse et la prestance dans les regards des hommes et des femmes photographiés par les colons.
Plus loin, au cœur du Panthéon, dans les transepts nord et sud, de chaque côté du pendule de Foucault, Barontini resitue les combats de ces résistants dans l’histoire plus générale de la traite négrière. Ses immenses fresques sur tissu évoquent, d’un côté, le Passage du milieu et l’exploitation des esclaves dans les plantations, et, de l’autre, la révolte victorieuse contre l’oppression, avec la bataille de Vertières, qui marqua, le 18 novembre 1803, la victoire définitive des insurgés à Saint-Domingue. Toussaint Louverture y est représenté à cheval au côté de Solitude, rebelle de la Guadeloupe. Avec une légère ironie dans sa manière d’assembler ses collages, Barontini n’hésite pas donner le cheval de la statue équestre de Louis XIV en monture à Toussaint Louverture ou à placer Jean-Jacques Dessalines sur le cheval de Napoléon.
Une œuvre, particulièrement, attire l’attention. Intitulée Le Marron, elle vient contredire une idée reçue particulièrement tenace. Non, les esclaves n’ont pas accepté leur sort ni attendu que les abolitionnistes occidentaux viennent les libérer. Au cours des siècles, nombreux sont ceux qui s’opposèrent à l’oppression qui entendait les réduire à l’état de marchandises malléables à merci. La plupart le payèrent de leur vie.
Série historique
En écho à cette stimulante exposition, Jeune Afrique vous propose aujourd’hui une série historique consacrée aux grandes révoltes d’esclaves à travers les siècles. Certaines sont bien connues, comme la révolution haïtienne qui nait lors de la cérémonie vaudou de Bois-Caïman, en 1791 (6/8), l’insurrection de Nathaniel Turner en Virginie en 1831 (7/8) ou la mutinerie des Africains transportés par le navire négrier espagnol La Amistad en 1839 (8/8). D’autres le sont beaucoup moins, à l’instar de la rébellion des Zanj, entre 869 et 883 (1/8), du soulèvement d’Amador à Sao Tomé-et-Príncipe, en 1595 (2/8), des révoltes des esclaves de New York, en 1712 et en 1741 (3/8), de celles de Stono, en Caroline du Nord, en 1739 (4/8), ou de Tacky, en Jamaïque, en 1760 (5/8).
Cette liste peut paraître longue, elle ne rend compte que de manière succincte de la résilience et des combats menés par ceux qu’on ne voulait pas considérer comme des hommes.
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Retrouvez les 8 épisodes de la série :
• La révolte des Zanj et le premier État créé par des esclaves (1/8)
• En 1595, à São Tomé, le roi Amador mène les esclaves à la révolte (2/8)
• New York, 1712 et 1741 : la psychose du « grand complot noir » (3/8)
• La marche des esclaves d’Angola vers la Floride, derrière Jemmy « Cato » (4/8)
• Jamaïque, 1760 : les stratèges africains de la Côte d’Or reprennent leur sort en main (5/8)
• Bois-Caïman, des cérémonies nocturnes vaudou au grand soir de l’indépendance haïtienne (6/8)
• Nat Turner, l’homme qui fit trembler la Virginie (7/8)
• La révolte de l’Amistad : une étape clé dans l’histoire de l’émancipation aux États-Unis (8/8)
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