Gaza : à qui profite le crime ? Par François Soudan

Du champ de ruines qu’est en train de devenir Gaza émergent deux profiteurs de chaos : la Russie de Vladimir Poutine et l’Iran de l’ayatollah Ali Khamenei.

François Soudan, directeur de la rédaction. © Montage JA; Vincent fournier/JA

François Soudan, directeur de la rédaction. © Montage JA; Vincent fournier/JA

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Publié le 18 octobre 2023 Lecture : 2 minutes.

Chaque conflit génère son lot d’horreurs érigées en autant de symboles et celui-là n’échappe pas à cette fatalité. Il y a eu, le 7 octobre, le massacre aveugle des kibboutzim de Nir Oz et de Beeri par le Hamas. Il y a désormais, depuis le 17 octobre, celui de l’hôpital Al Ahli de Gaza, en partie pulvérisé par une frappe d’origine pour l’instant inconnue. Au onzième jour de ce nouveau carnage, le bilan humain provisoire est de plus de 5 000 morts avec une proportion de 3 Palestiniens tués pour 1 Israélien, déséquilibre comptable habituel appelé à s’accentuer si Tsahal poursuit au sol sa féroce opération punitive contre l’enclave.

« Crimes de guerre » contre « dommages regrettables »

D’ores et déjà, deux profiteurs de chaos émergent de ce champ de ruines. Le premier est la Russie de Vladimir Poutine. De par leur soutien précipité au droit d’Israël à riposter sans limites à l’agression du 7 octobre, lequel revenait à lui accorder une quasi carte blanche, les puissances occidentales, États-Unis, France et Royaume-Uni en tête, ont pratiquement ruiné vingt mois d’efforts et de pressions pour entraîner les pays du « Sud global » dans leur condamnation de l’invasion russe de l’Ukraine.

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Lors du dernier sommet du G20 à New Delhi, Joe Biden, Emmanuel Macron, Rishi Sunak et Charles Michel n’ont pas ménagé leur peine pour tenter de convaincre leurs interlocuteurs brésilien, indien et sud-africain que la Russie était un État paria qui ne respectait aucune loi internationale. Que vaut désormais cette argumentation face à l’appui implicite à une probable invasion de Gaza et aux bombardements indiscriminés ?

Pour l’opinion arabe, africaine, asiatique, latino-américaine, l’équation est simple : ce que les Occidentaux disent sur la Russie et l’Ukraine doit s’appliquer à Israël et à Gaza. Pourquoi détruire un hôpital ou une école, couper l’eau, l’électricité et le gaz qui alimentent la population civile seraient-ils des « crimes de guerre » dès lors que les Ukrainiens en sont les victimes et des « dommages collatéraux regrettables » quand il s’agit de Palestiniens ? Faute d’effacer cette dichotomie, le discours des Américains et des Européens sur les droits de l’homme et sur les règles du droit international restera inaudible. Pour le plus grand bénéfice de Vladimir Poutine.

Guerre par « proxies »

L’autre spéculateur sur le marché du marasme actuel est l’ayatollah Ali Khamenei. De l’invasion de l’Irak, en 2003, à la guerre civile syrienne en passant par le chaos afghan, le régime iranien a toujours su profiter du désordre pour renforcer ses positions. La nouvelle guerre de Gaza accentue sa stature d’interlocuteur régional incontournable, casse la dynamique du rapprochement israélo-saoudien, affaiblit l’État hébreu et donne des dirigeants de Téhéran l’image de défenseurs intransigeants de la cause palestinienne.

Certes, on peut croire que, conscients du rapport des forces et soucieux de leur propre préservation, le Guide suprême et ses affidés prendront garde – comme ils l’ont toujours fait – à ne pas se laisser entraîner en première ligne dans un conflit ouvert avec Israël. La guerre par « proxies » interposés, en l’occurrence le Hamas et peut-être demain le Hezbollah, leur convient. Reste que la boîte de Pandore ouverte le 7 octobre échappe à tout contrôle. Depuis Gaza, désormais, les images des victimes déchiquetées sur les réseaux sociaux ont entamé leur propre voyage, telle une onde de choc engendrant sa propre Nakba.

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