En Algérie, la Palestine restaure le droit de manifester
Plusieurs milliers d’Algériens ont manifesté, ce jeudi 19 octobre, aux quatre coins du pays en soutien à la Palestine, alors que les rassemblements populaires sont strictement encadrés, sinon interdits, depuis 2021.
Les Algériens renouent avec les manifestations de rue, mais seulement pour exprimer leur solidarité avec la Palestine et dénoncer Israël. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté ce jeudi 19 octobre à Alger et dans d’autres villes du pays. Une première manifestation spontanée avait eu lieu le vendredi 13 octobre, tout juste tolérée par les autorités. Qui, cette fois, ont fini par autoriser, et même encourager l’événement, lancé à l’initiative de partis politiques et d’organisations réputés proches du pouvoir.
À Alger, qui a connu des manifestations pacifiques drainant des millions de personnes chaque vendredi du temps du « Hirak béni », des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont défilé de la place du 1er-Mai jusqu’à la place des Martyrs. Les axes routiers ont été fermés pour permettre le bon déroulement de la marche.
Drapeaux palestiniens côtoyant les couleurs algériennes, pancartes et banderoles… Les Algériens ont manifesté pacifiquement, comme à l’époque du Hirak. Des slogans en faveur de la cause palestinienne et contre les crimes commis par l’armée israélienne ont fusé le long du cortège, parsemé de banderoles exigeant l’expulsion des ambassadeurs dont les pays soutiennent Israël.
L’ancien président Liamine Zeroual a pris part à une marche organisée à Batna, dans l’Est, où il vit depuis sa retraite, en avril 1999. Les manifestations, qui ont été retransmises en direct par la télévision nationale, se sont dispersées dans le calme.
Appel à l’expulsion de diplomates
Un important dispositif de police a été déployé dans plusieurs quartiers de la capitale, alors que la sécurité a été renforcée autour des bâtiments des ambassades occidentales. Ce dispositif inhabituel s’explique notamment par des appels lancés sur les réseaux sociaux à la tenue de sit-in devant des chancelleries représentant des pays auxquels certains reprochent un soutien jugé inconditionnel à Israël. Des messages appelant à l’expulsion des diplomates dont les pays sont alliés à « l’entité sioniste » ont aussi été diffusés et massivement relayés la veille de la manifestation sur Facebook, X (ancien Twitter) et TikTok.
Alliée inconditionnelle de la Palestine, l’Algérie multiplie depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas les gestes de solidarité. Mercredi 18 octobre, la présidence a annoncé l’annulation de la visite de travail que le président Tebboune devait effectuer dans la wilaya (préfecture) de Djelfa, à 350 km au sud d’Alger à la suite des « développements dangereux survenus dans les territoires palestiniens occupés en raison de la poursuite des bombardements sionistes sauvages et dévastateurs contre la bande de Gaza ». Ce déplacement du chef de l’État dans l’intérieur du pays était pourtant une première depuis son élection, en décembre 2019.
Les manifestations culturelles et festives sont suspendues dans le pays jusqu’à nouvel ordre, tout comme les compétitions sportives. Le ministère des Affaires étrangères a également demandé aux ambassades et aux consulats d’Algérie à l’étranger d’annuler les cérémonies de commémoration du 1er novembre, qui célèbrent chaque année le déclenchement de la guerre d’indépendance de 1954.
C’est la première fois que les autorités délivrent des autorisations pour des manifestations de rue après leur interdiction en juin 2021. À l’époque, le gouvernement avait annoncé que toute manifestation serait désormais interdite si elle ne bénéficiait pas d’une autorisation préalable, délivrée à la condition que les organisateurs communiquent leur identité, ainsi que les horaires du rassemblement.
L’ombre du Hirak
Avant cette interdiction, des dizaines de milliers de personnes sortaient chaque vendredi dans les rues d’Alger, prolongeant les manifestations du Hirak de 2019 qui avaient débouché sur la chute du régime du président Bouteflika. Ces manifestations avaient connu un coup d’arrêt avec la pandémie de Covid, avant de reprendre en février 2021, pour être interdites moins de quatre mois plus tard.
Les manifestations du jeudi 19 octobre sont-elles le prélude au retour des grandes marches populaires, ou constituent-elles une courte parenthèse dans ce tour de vis sécuritaire entériné au printemps 2021 ? Difficile de le dire.
C’est que le pouvoir n’a aucun intérêt à lever, ni aujourd’hui ni demain, l’interdiction de manifester et de se rassembler s’il veut éviter l’expression de protestations qui pourraient devenir de plus en plus virulentes dans les mois prochains. Dégradation du pouvoir d’achat, marasme social et politique, étouffement des libertés publiques… Les raisons qui pourraient faire descendre les Algériens à nouveau dans la rue sont multiples. Le pouvoir a d’autant moins intérêt à desserrer l’étau sécuritaire et à autoriser la contestation sociale et politique que dans un an se tiendra la prochaine élection présidentielle à laquelle Abdelmadjid Tebboune devrait probablement se présenter pour un second mandat.
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