Après le coup d’État, quid des droits LGBT au Gabon ?

Préoccupation du régime déchu d’Ali Bongo Ondimba, les droits des minorités sexuelles et de genre sont remis en question par la Charte de la transition.

Lors de la Gay Pride, dans le cadre du festival de la fierté de Durban, qui dure trois jours, le 30 juin 2018. © RAJESH JANTILAL/AFP

Lors de la Gay Pride, dans le cadre du festival de la fierté de Durban, qui dure trois jours, le 30 juin 2018. © RAJESH JANTILAL/AFP

JEANNE-LE-BIHAN_2024

Publié le 22 octobre 2023 Lecture : 3 minutes.

Dans une « compilation de propositions » élaborée en ce mois d’octobre, moins de deux mois après le putsch du 30 août, un groupe d’internautes gabonais liste les priorités que doit suivre, selon eux, le nouveau régime dirigé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema. Les autorités de la transition ont invité les citoyens à participer et tous ont jusqu’à fin novembre pour envoyer leurs propositions au ministère de la Réforme des institutions, en prévision du dialogue national qui doit se dérouler en avril et juin 2024.

De la pénalisation à la dépénalisation

« Mettre les voleurs en prison », ne plus favoriser les liens familiaux pour des postes haut placés, « libérer les prisonniers politiques », « organiser des élections libres et transparentes »… Les premiers points du projet illustrent la volonté d’en finir avec les travers de la présidence d’Ali Bongo Ondimba. Mais les exactions qu’auraient commises le président déchu et ses proches ne sont pas les seules préoccupations des Gabonais. Proposition numéro six : « abolir la loi sur l’homosexualité ».

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Ce n’est pas le seul message de cet acabit : dans les groupes de discussion consacrés à la transition, les insultes envers les membres de l’ancien parti au pouvoir – le Parti démocratique gabonais (PDG) – sont souvent homophobes, et le pas entre l’insulte « pédé » et le terme « pédégiste » est vite franchi. Surtout, l’abolition de la législation contestée est loin d’être une revendication nouvelle. Le projet de loi visé avait en effet été adopté par le Parlement en 2020 – il annulait à l’époque un amendement du Code pénal voté tout juste un an plus tôt et qui criminalisait l’homosexualité.

Avant cela, un vide juridique subsistait, la justice observant donc une tolérance à l’égard des pratiques homosexuelles, sans que l’opinion publique ne semble beaucoup s’en émouvoir. Mais, portée par l’ancienne première dame Sylvia Bongo Ondimba, la réforme de 2020 a réveillé les passions et s’est heurtée à l’hostilité d’une partie de la population. À l’Assemblée nationale, quarante-huit députés avaient voté en faveur du texte, vingt-quatre contre, et vingt-cinq s’étaient abstenus.

Pour beaucoup, la fin du régime dans lequel l’épouse d’Ali Bongo Ondimba est soupçonnée d’avoir joué un rôle crucial signifie donc aussi le retour sur cette dépénalisation. Le pouvoir de transition franchira-t-il ce pas ? La Charte de la transition, publiée le 4 septembre au Journal officiel de la République, n’a pas démenti les détracteurs de la législation : son article 25 stipule que « le mariage, union entre deux personnes de sexes différents, et la famille constituent le fondement naturel de la vie en société [et qu’ils] sont protégés et promus par l’État ».

Ce texte législatif, utilisé dans l’attente de la nouvelle Constitution qui doit être votée par référendum à l’issue de la transition – dont la durée est pour l’heure inconnue –, n’interdit donc pas ouvertement l’homosexualité et n’entre pas en contradiction directe avec la législation adoptée en 2020 qui dépénalisait les relations entre deux personnes de même genre – sans aller jusqu’à autoriser le mariage gay. La Charte restreint toutefois l’union aux couples hétérosexuels. Et si la loi punit les actes de « discrimination raciale, ethnique [et] religieuse », rien ne mentionne les discriminations de genre ou d’orientation sexuelle.

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Bientôt la norme sur le continent ?

Le Gabon n’est pas le seul pays africain à se dresser contre l’homosexualité. Lors de l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre, le ministre de la Fonction publique du Burkina Faso, Bassolma Bazié, a consacré un pan de son discours devant la communauté internationale à la question de l’homosexualité. « Il nous faut reconquérir notre culture. Nous avons singé l’Occident dans sa monogamie, s’est indigné le représentant burkinabè, le 23 septembre dernier. Voilà qu’aujourd’hui, on veut nous faire croire que des contre-valeurs, des attitudes contre la nature relèvent de la liberté. Il ne sera pas question d’homosexualité en Afrique. Je le répète, il ne sera pas question d’homosexualité chez nous », a-t-il insisté.

L’Afrique du Sud est le seul pays du continent à avoir légalisé le mariage pour tous, en 2006. Sur les 64 pays qui criminalisent les relations entre personnes du même sexe, la moitié sont africains. Dernière polémique en date : pour « protéger la famille traditionnelle », une loi a été adoptée au mois de mai en Ouganda, rendant l’homosexualité passible d’emprisonnement à perpétuité et, si récidive, de peine de mort.

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