Avec la série « Niabla », plongée dans le « bizi » de Babi
« Niabla », la nouvelle série de Canal+ Afrique, signée Alex Ogou, est diffusée depuis le 16 octobre. Au cœur de l’intrigue, prostitution et trafic de drogue à Abidjan.
Niabla commençait plutôt bien. Dès les premières minutes de cette nouvelle série de Canal+ Afrique signée Alex Ogou (Invisibles, Ô Batanga), on plonge dans l’enfer de la prostitution, happé par une scène d’enlèvement aussi glaçante qu’efficace. Le message est clair : la série, dont le titre signifie « sœur » en baoulé, montrera l’envers du décor du bizi, cette prostitution qui ne dit pas son nom, à Abidjan.
Hélas, cette scène coup-de-poing flotte dans un ensemble bien plus terne. Assez vite, on nous conte la vie de l’héroïne, Siablé (interprétée par Aude Forget), une Franco-Ivoirienne qui réside à Paris et dont le père vient de mourir. Elle part dans la capitale économique ivoirienne retrouver sa sœur, Adjoua, dont elle a été séparée quand elles étaient enfants.
À la vitesse des premiers moments succède la lenteur de ce récit de retrouvailles, qui se mue en intrigue policière lorsque Adjoua disparaît. Siablé doit alors à la fois s’occuper de sa nièce, Amelan, et tenter d’aider sa sœur aînée, dans un parcours que l’écrivain Gauz’, à la fois co-scénariste et acteur de la série, présente comme une « quête d’identité ».
Féministe, vraiment ?
Mais, au bout de quatre épisodes, on cherche toujours cette fameuse quête identitaire, qui n’est en tout cas pas le cœur du récit. On voit une jeune métisse – à qui l’on répète qu’elle est une Blanche et une Française – s’empêtrer dans une réalité qui la dépasse, et dans laquelle les hommes tiennent le premier rôle. On plonge dans le milieu des « géreuz de bizis », une forme de prostitution dont Gauz’ explique qu’elle « se déroule de manière dématérialisée, via des numéros de téléphone qui vendent les services de femmes », un peu à la manière des call-girls.
Si, dans cet univers, les femmes sont évidemment présentes, ce sont surtout les hommes qui prennent de la place. Deux fois en l’espace de deux épisodes, le policier Yao (interprété par Gauz’) intervient in extremis pour arracher Sia des griffes de bandits. La jeune femme, explique-t-il, est en « quête d’identité féminine depuis qu’elle a perdu son père », et voit en lui « un substitut de figure paternelle ». Pourtant, la série raconte surtout comment Yao, alcoolique et désespéré, cherche une fille de substitution, après avoir perdu la sienne, assassinée…
Lorsqu’ils ne les sauvent pas, les hommes maltraitent les femmes. Qu’ils aient le bon ou le mauvais rôle, les personnages masculins sont dominants. Quand Yao se renseigne au sujet d’Adjoua, on lui demande s’il veut « se faire la petite ». Un zoom sur les fesses de la disparue, montrée en photo par sa sœur, avec pour commentaire : « Elle est vraiment canon », est un autre exemple de la façon dont ces héroïnes sont représentées. Le problème n’est pas tant cette vision méprisante de la femme, qui se veut le reflet de la réalité, que cette manière d’insister sur la violence des hommes, qui finit par éclipser le courage des femmes.
Niabla, qui se prétend féministe, raconte comment des femmes liguent leurs forces pour retrouver une disparue dans un univers où elles sont extrêmement malmenées. D’ailleurs, comme le souligne Gauz’, « une femme qui en cherche une autre, au cœur d’une série, ce n’est pas très fréquent en Afrique ». On voit, en réalité, une héroïne plutôt esseulée, dont les tantes ivoiriennes ne répondent plus au téléphone, que l’on rejette de peur qu’elle perturbe l’équilibre social en s’acharnant, en cherchant sa sœur, à mettre son nez dans les trafics, et qui n’est quasiment aidée que par des hommes !
Messages brouillons
Niabla a pourtant des messages à faire passer. Trop, peut-être ? Le récit est un mille-feuille indigeste, où il est question du trafic de drogue et de ses liens étroits avec la prostitution. De fait, puisqu’on cherche à traduire une forme de réalité sur le petit écran, « la Côte d’Ivoire est une plaque tournante de la cocaïne », souligne Gauz. À ce sujet s’ajoute celui de la drépanocytose, qui arrive comme un cheveu sur la soupe : Amelan fait une crise et doit être emmenée à l’hôpital. La maladie est davantage un prétexte qu’un véritable sujet. On aborde, en surface, la difficulté de payer les soins, mais simplement pour s’en servir de ressort dramatique et pour justifier un enchaînement de péripéties dues à des problèmes d’argent.
Navigant entre tous ces thèmes, Niabla n’échappe pas à la caricature : les émotions sont surjouées, la colère est mimée à grands renforts de sourcils froncés et de musique mélo, le tout accentué par de longues pauses vidéo, donnant à ce qui est vendu comme un thriller des airs de soap opera. Plus distrayante que captivante, la série laisse parfois l’impression de tomber dans une parodie de western.
Niabla, depuis le 16 octobre sur Canal+.
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